Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Perier (les) (suite)

Son fils aîné, Claude (Grenoble 1742 - Paris 1801), agrandit la maison familiale. Il établit à Vizille en 1775 une importante manufacture de papiers peints, puis d’indiennes. Il rachète les mines d’Anzin. Suivant le processus classique, au négoce s’ajoutent bientôt des activités bancaires (participations dans des sociétés de commerce colonial, avances aux manufactures, change). Sa fortune s’accroît considérablement. Claude Perier se révèle plus habile ou plus chanceux que son frère Augustin, le dernier directeur de la malheureuse Compagnie des Indes orientales, établie à Lorient. L’ascension se poursuit par l’achat d’offices et l’acquisition du château de Vizille et de ses dépendances pour plus d’un million de livres, somme énorme pour l’époque. Une fille aînée, Joséphine, fait un très beau mariage avec l’avocat général Jacques Savoye de Rollin, un noble de fraîche date.

C’est au château de Vizille que se tient le 21 juillet 1788 l’assemblée des états du Dauphiné, prélude à la Révolution. Claude Perier et son clan se sont rangés rapidement du côté des patriotes, et la défense des idées libérales se marie fort harmonieusement avec celle d’intérêts matériels bien compris. « Perier-Milord » achète des biens nationaux, spécule et sait se protéger habilement des menaces terroristes par de nombreux « dons patriotiques ». Après plusieurs revers dus à la guerre (on doit liquider la banque en 1793), la prospérité revient, favorisée par le coup d’État du 18-Brumaire. Claude Perier participe à la négociation de la Caisse des comptes courants — la future Banque de France —, dont il devient un des premiers régents. À sa mort, il laisse dix enfants, huit garçons et deux filles. Plusieurs de ses fils allaient renforcer leur position (déjà assurée grâce à un très solide héritage) par des alliances matrimoniales étendues dans le monde des grands notables.

Augustin Charles (Grenoble 1773 - Fremigny 1833) reprend la direction de la manufacture dauphinoise et se lance dans la carrière politique. Député de l’Isère sous la Restauration, signataire de l’adresse des 221, il participe activement à la mise en place du régime de Juillet. Sa fille Fanny a épousé en 1825 le comte Charles de Rémusat, fils d’un préfet impérial et ministre de Louis-Philippe en 1840. Son fils Adolphe épouse, lui, Nathalie de La Fayette, une petite-fille du « héros des Deux Mondes ». La monarchie de Juillet le fait pair de France.

Alexandre Jacques (Grenoble 1774 - Paris 1846) implante une manufacture à Montargis. Député du Loiret sous les deux monarchies, il a pour gendre Jacques Randon, le futur gouverneur général de l’Algérie et maréchal de France.

Antoine Scipion (Grenoble 1776 - Paris 1821), qui épouse une héritière des maîtres de forges de Dietrich, est administrateur des mines d’Anzin, cofondateur avec son frère Casimir de la banque « Perier frères » et dirige la fonderie de Chaillot qu’il a rachetée à deux ingénieurs homonymes, Jacques et Auguste Perier, les créateurs de la pompe à feu des bords de Seine.

Camille Joseph (Grenoble 1781 - Paris 1844), député et pair de France, épouse en premières noces une Lecouteux de Canteleu, de la haute banque.

Casimir (Grenoble 1777 - Paris 1832), banquier et homme d’État, est le plus illustre des frères Perier. Associé d’Antoine à la direction de l’établissement bancaire qui porte leur nom, il commence sa carrière dans l’administration, et sous l’Empire est nommé préfet de la Corrèze. Député du IIIe arrondissement de Paris en 1817, réélu en 1822 et 1824, il représente ensuite Troyes de 1827 jusqu’à sa mort. Casimir Perier appuie d’abord le parti ministériel. Le tournant à droite opéré à partir de 1820 le rejette dans l’opposition. Très à l’aise dans les débats budgétaires, il se distingue par la virulence de ses critiques à l’égard de la politique de Villèle, puis de Polignac. Signataire de l’adresse des 221, il joue un rôle de premier plan dans la révolution de 1830. Dans son hôtel de la rue Neuve-Luxembourg (actuellement rue Cambon, Ier arrondissement), il réunit les députés libéraux, mais prône la conciliation, par peur des mouvements populaires. Son ralliement à la candidature orléaniste sera immédiat, et c’est lui qui sera chargé le 9 août 1830 de lire la déclaration d’investiture de Louis-Philippe*. Pour Casimir Perier, la révolution, « un simple changement dans la personne du chef de l’État », déclare-t-il, est terminée. Homme d’ordre, le grand banquier s’inquiète de la persistance de l’agitation et des concessions que Laffitte, le chef du « Mouvement » et premier président du Conseil, croit devoir faire au peuple. Laffitte est renvoyé le 13 mars 1831, et Perier, inspirateur de la « Résistance », devient président du Conseil et ministre de l’Intérieur. La politique autoritaire et conservatrice triomphe, c’est le « système du 13 mars ».

Le programme est clairement défini : « Au-dedans l’ordre sans sacrifice pour la liberté ; au-dehors la paix sans qu’il en coûte rien à l’honneur. » En vertu de ses principes, Casimir Perier impose à tous son autorité. Le conseil des ministres se tient hors de la présence du roi, les ministres eux-mêmes sont tancés à la moindre velléité d’indépendance. Un décret interdit aux fonctionnaires de faire partie d’associations politiques. La Chambre des députés est dissoute le 31 mai 1831 et, dans la nouvelle assemblée, élue le 5 juillet, Perier forme une majorité fidèle. Partout le président du Conseil prône l’ordre sans faiblesse et sans scrupule. L’insurrection des canuts* de Lyon est noyée dans le sang (nov.-déc. 1831).

À Paris, en 1832, les complots légitimistes ou républicains (complots des tours de Notre-Dame, de la rue des Prouvaires) se multiplient malgré la vigilance du préfet de police, Henri Gisquet, un ex-employé de la maison Perier. L’épidémie de choléra qui ravage alors la France emporte le chef du gouvernement le 16 mai 1832. Royer-Collard dira en guise d’oraison funèbre : « M. Perier était ignorant et brutal, ces deux vertus ont sauvé la France. »