Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

argenterie (suite)

Les siècles classiques

La Renaissance fut une période particulièrement faste pour l’argenterie. Ce fut seulement à cette époque que l’usage de la fourchette se vulgarisa. L’orfèvre florentin Benvenuto Cellini* fut appelé à la cour de France par François Ier en 1540, et installa son atelier à l’hôtel de Nesles. Il eut de nombreux émules parisiens, qui s’établirent sur le Petit Pont et aux alentours du Châtelet. L’actuel quai des Orfèvres en rappelle le souvenir.

Au xviie s., le luxe dont aimait à s’entourer Louis XIV s’étendit à l’argenterie, et les courtisans s’appliquèrent à suivre, sinon à dépasser, l’exemple donné par le souverain. On sait que la somptuosité ostentatoire avec laquelle Nicolas Fouquet dressa tables et buffets, lors du fameux souper de Vaux, fut une des causes de sa disgrâce. La débauche d’argent fut telle que les orfèvres fabriquèrent même des meubles en argent, lits, tables, chaises, etc., mais cela dura peu : les revers de la campagne du Palatinat obligèrent le roi à promulguer les édits dits « somptuaires » interdisant l’emploi de l’argent pour certaines fabrications et limitant le poids des objets plus usuels. Un second édit ordonnait bientôt de fondre toute l’argenterie du royaume, le roi donnant l’exemple. Il ne reste à peu près rien des tonnes d’argent manufacturé sous son règne. Après cette éclipse, certaine douceur de vivre que connut le xviiie s., au moins pour les classes privilégiées, ne devait pas tarder à redonner à l’orfèvrerie le lustre qu’elle avait momentanément perdu, d’une part en raison du talent exceptionnel des orfèvres de cette époque, et d’autre part du fait de l’évolution du goût, qui, à l’austérité quelque peu pompeuse du style Louis XIV avec ses réminiscences de l’antique, préféra la grâce, les courbes harmonieuses, voire l’asymétrie qui caractérisent les styles Régence et Louis XV. Les plus célèbres orfèvres sont alors Thomas Germain* (1673-1748) et son fils François Thomas (1726-1791), Jacques Roettiers (1707-1784), Justin Aurèle Meissonnier (1695-1750), qui reçurent d’importantes commandes de nombreuses cours étrangères, Russie, Suède, Portugal entre autres, étendant ainsi le rayonnement de l’art français dans le monde. Si Louis XVI s’intéressa personnellement peu aux arts, ce fut néanmoins sous son règne que s’instaura un style beaucoup plus sobre que le précédent ; les pièces s’amenuisent, se raffinent, le goût de l’antique commence à percer, qui verra son apogée au début du siècle suivant.


La Révolution

La secousse révolutionnaire devait porter un coup fatal à l’orfèvrerie, d’une part du fait de la loi Le Chapelier, qui avait en 1791 supprimé les jurandes et les corporations abolies une première fois en 1776 par Turgot, mais dont l’édit fut rapporté l’année suivante, et d’autre part du fait que la clientèle traditionnelle des orfèvres avait en grande partie émigré, emportant joyaux et argenterie à l’étranger, où ils furent bientôt vendus pour permettre à leurs possesseurs de subsister. Aucun texte n’assujettissant plus les fabricants à la discipline d’une profession qui nécessite une loyauté absolue pour mériter la confiance des acheteurs, il en fut de l’argenterie comme des assignats, qui se dévalorisaient de jour en jour. Pour que leur fière devise « orfèvre ne déroge jamais » fût respectée, et que fussent rendues à la profession les règles sans lesquelles elle ne pouvait ni subsister ni prospérer, le Directoire promulga la fameuse loi du 19 brumaire an VI (1797) relative à la surveillance du titre et à la perception des droits de garantie des matières d’or et d’argent, qui, toujours en vigueur, constitue en quelque sorte la charte de la profession.

L’argent manufacturé ne saurait en effet être employé à l’état pur en raison de son manque de rigidité. Il est toujours allié à un métal commun, cuivre le plus souvent, dans une proportion variable. En France, les deux seuls titres légaux sont le premier titre (950 parties d’argent et 50 de cuivre) le plus communément employé et le deuxième titre (800 parties d’argent et 200 de cuivre) plus rarement utilisé sauf pour la petite bijouterie ; à l’étranger, on utilise plus volontiers le 925 p. 1 000 (sterling des pays anglo-saxons), le 835 et le 800 p. 1 000. Des poinçons différents insculpés par des organismes officiels (garantie d’État) ou privés permettent d’attester le titre de l’argent et d’en identifier le pays d’origine, le fabricant et souvent l’époque de fabrication.


Le xixe siècle

Après la tourmente révolutionnaire, la vogue de l’argenterie reprit une vigueur nouvelle, favorisée par les fastes de la cour impériale. Les orfèvres les plus fameux de cette époque sont Robert Joseph Auguste* (1725-1795) et son fils Henri (1759-1816), Jean-Baptiste Odiot (1763-1850), Guillaume Biennais (1764-1843) ; ce dernier, orfèvre de leurs majestés impériales, possédait un atelier de 600 ouvriers. Le machinisme naissant permit également de transformer l’atelier artisanal en véritable usine où la main-d’œuvre est spécialisée. L’orfèvre devient un véritable industriel, faisant appel à la collaboration de dessinateurs, modeleurs, ciseleurs, etc. Les brevets pris à Birmingham par George Richards Elkington (1801-1865) et son cousin Henry († 1852), et à Paris, en 1840, par le comte Henri de Ruolz (1811-1887), permirent de déposer par électrolyse de l’argent vierge sur un métal commun ; le métal argenté allait concurrencer l’argent massif.

Si le style Empire, par sa rigueur, avait réagi contre les grâces alanguies des styles qui le précédèrent, la Restauration innova peu dans ce domaine, sinon par un alourdissement de la décoration, dont les meilleurs exemples sont les pièces d’apparat pour le sacre de Charles X, par l’orfèvre Charles Cahier ; sous la monarchie de Juillet, on assiste à un retour très net vers les styles romantiques et gothiques, mis à la mode par les littérateurs. Aucune œuvre maîtresse ne subsiste de cette époque, assez terne pour les arts appliqués.