Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Paris (suite)

Les quartiers de Paris

Le nombre des quartiers de Paris, originellement limité à quatre, est porté à huit sous Philippe Auguste, à seize sous Charles V — momentanément à dix-sept en 1637 et en 1673 —, à vingt enfin en 1702 du fait des agrandissements successifs de la capitale. Ayant pour cette même raison connu des modifications territoriales et nominales considérables, les quartiers représentent dès lors deux réalités administratives différentes : les vingt quartiers de la police du Châtelet placés sous l’autorité de vingt commissaires de police qui détiennent l’autorité réelle sur la capitale ; les vingt quartiers de la police de Ville, réduits en fait à seize dès 1703, les seize quarteniers ayant obtenu un arrêt à cet effet et racheté en conséquence les quatre nouveaux offices. Mais ces derniers n’exercent plus qu’une autorité vaine à l’intérieur de cadres vides.


Puissance démographique et apogée économique

L’importance et la complexité même des institutions municipales ne s’expliquent, en fait, que par la diversité et là multiplicité des fonctions politique, administrative, intellectuelle et économique assumées par Paris et qui font de cette ville la seconde du monde médiéval après Constantinople. Bénéficiant, pour cette raison, d’une forte immigration dont le jeu, combiné à celui du croît naturel, la porte sans doute à 200 000 habitants en 1328, la population parisienne, par son ampleur même, stimule par contrecoup non seulement la mise en valeur agricole des nombreux « clos et coutures » englobés dans l’enceinte de la capitale, mais encore celle de la région proche : culture des céréales dans le riche pays de France ; cultures maraîchères et vergers largement répandus sur le site de l’actuel Marais ; élevage sur les friches et les prés nombreux dans les vallées ; riche vignoble de l’Île-de-France, qui atteint sans doute vers 1300 son maximum d’extension, entourant la capitale d’une véritable ceinture de pampres, dont la production s’exporte essentiellement vers les pays normands. La puissance démographique de la ville facilite également l’essor des industries urbaines, notamment celle de la construction et plus encore celles qui sont liées au travail des textiles : draperie, tapisserie, dont le développement est sans doute lié au déclin, depuis 1285, de la haute lisse arrageoise, etc. Stimulée par l’élevage des ovins et par la culture de la guède et de la gaude, la production des textiles est malheureusement limitée par une réglementation « malthusienne » du tissage d’articles, dont les faibles excédents exportables sont écoulés dans les pays ibériques ou aux Pays-Bas, déduction faite des articles achetés par les hôtels du roi et des princes du sang. La présence de ces derniers, et donc de la Cour, celle de l’Université, enfin la proximité des foires internationales de Champagne attirent par ailleurs depuis 1250 de nombreux marchands étrangers, notamment italiens. Ces derniers se substituent de plus en plus aux Juifs, victimes de mesures discriminatoires dès le début du règne de Philippe Auguste ; ils pratiquent, tels les Gallerani de Sienne, le prêt de consommation à intérêt. Tirant l’essentiel de leurs ressources du commerce et de la banque, trafiquant en particulier des lettres de change, ils font de Paris l’une des grandes places financières et monétaires de l’Occident médiéval dès le début du xive s.

La Hanse des marchands de l’eau, et, à travers elle, la bourgeoisie parisienne sont les principaux bénéficiaires de cette expansion économique. Les bourgeois étendent, avec la connivence des souverains, leur emprise commerciale sur l’ensemble du bassin de la Seine moyenne, obtenant même en 1315 le droit de commercer librement sur la basse Seine et donc d’accéder à la mer sans subir le contrôle des marchands rouennais ; peu après, ils élargissent en amont leur contrôle jusqu’à Nogent-sur-Seine et vers le nord, et arrachent à Pontoise vers 1350 la tutelle de la navigation au confluent de la Seine avec l’Oise.

Ainsi se trouvent considérablement renforcées l’autorité du prévôt des marchands et celle des échevins ; ceux-ci appartiennent aux grandes familles de la bourgeoisie parisienne, au sein de laquelle ils forment de véritables dynasties municipales (les Barbette, les Arrode, les Bourdon), qui ajoutent souvent à leurs fonctions électives celles d’officier royal, de fournisseur de la Cour, de créancier du souverain. Le temps des notables est venu.


La crise parisienne du long xive siècle

Le déclenchement de la guerre de Cent Ans en 1337, la Grande Peste de 1348-49 et ses nombreuses récurrences, notamment celle de 1361-62, les défaites de Crécy en 1346 et de Poitiers en 1356 créent un climat de désarroi social dont tente de profiter l’un des plus célèbres prévôts des marchands de Paris, Étienne Marcel*, pour mettre en tutelle le dauphin Charles (1356-1358), auquel il impose le 22 février 1358 le port du chapeau aux couleurs de Paris (rouge et bleu) lors de l’assassinat de ses conseillers, les maréchaux de Champagne et de Normandie. Le lieutenant général du royaume échappe à la mort, mais l’alliance entre la monarchie et la ville est rompue. Confiant à un énergique prévôt royal, Hugues Aubriot (1367-1382), le soin d’équiper la ville de ses premiers égouts voûtés et surtout la charge du maintien de l’ordre, veillant avec son aide à l’achèvement des remparts édifiés sur la rive droite à l’initiative d’Étienne Marcel pour englober les noyaux de peuplement qui s’y sont multipliés depuis le début du xiiie s. en dehors de l’enceinte de Philippe Auguste, Charles V préfère désormais demeurer, par mesure de sécurité, aux lisières (hôtel Saint-Paul) ou à l’extérieur de Paris (château de Vincennes), dans des demeures fortifiées (Louvre) ou sous la protection de puissantes forteresses (Bastille).

Le divorce entre le souverain et la capitale s’accentue sous les règnes de Charles VI et de Charles VII du fait des troubles révolutionnaires qui ne cessent d’agiter la capitale : révolte des maillotins en 1382 entraînant la suppression temporaire de la prévôté des marchands (1383-1388/1409) ; guerre civile opposant, à partir de 1410, les Bourguignons et les Armagnacs ; excès commis les 28 avril et 22 mai 1413 par les Cabochiens, recrutés parmi les écorcheurs et les bouchers, partisans de Jean sans Peur ; blocus exercé par ce dernier après qu’il a été expulsé le 23 août 1413 par le prévôt des marchands Jean Jouvenel des Ursins ; confiscation des biens des notables partisans du Dauphin au lendemain de la reconquête de Paris le 29 mai 1418 par les Bourguignons, qui l’administrent d’abord seuls, puis avec l’appui des Anglais après la signature du traité de Troyes en 1420 ; contre-blocus exercé par Charles VII entre le 8 septembre 1429, date du vain assaut de Jeanne d’Arc face à la porte Saint-Honoré, et l’entrée des forces de Dunois et de Richemont par la porte Saint-Jacques, que leur a ouverte le parti des « bons » Français le vendredi 13 avril 1436 ; maintien de la menace anglaise jusqu’à la reprise de Pontoise le 19 septembre 1441.