Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Paris (suite)

Ce rayonnement international qui rejaillit sur la capitale est souligné par l’organisation de la Faculté des arts en plusieurs « nations », dont le nombre finit par se réduire à quatre au cours du xiiie s. : celle des Français, celle des Picards, celle des Normands et celle des Anglais. En même temps, l’accroissement des effectifs étudiants (10 000 au début du xive s.) entraîne la création de nombreux collèges : le plus célèbre est fondé en 1257 par le chapelain de Saint Louis Robert de Sorbon (1201-1274) pour seize pauvres maîtres es arts aspirant au doctorat en théologie. Ainsi se trouve peu à peu fixée une institution jusque-là sans domicile fixe, puisque chaque maître loue sa propre salle de cours. L’urbanisation de la rive gauche s’intensifie grâce à l’édification de nombreux autres collèges, où l’ensemble de la population étudiante est peu à peu internée.

En stimulant la consommation des produits alimentaires (pain, vin, viande), celle des produits textiles (robes), celle des peaux pour la fabrication des parchemins, l’Université favorise la croissance économique de la capitale et l’enrichissement de la bourgeoisie. Mais, en même temps, en développant les études juridiques, elle assure la formation d’administrateurs qui seront les meilleurs agents du renforcement de l’autorité royale à partir du règne de Louis IX et plus encore à partir de celui de Philippe IV le Bel.


La ville du roi

Le Palais royal (actuel Palais de Justice), qui s’édifie à l’ouest de la Cité, en est le cœur : il assure la liberté et la sécurité du roi, l’entretien de sa cour et l’activité de ses conseils de justice (parlement*) et de finance (Chambres des comptes, des monnaies et du Trésor), tous regroupés au xive s. dans le palais de la Cité, ainsi que la chancellerie et le Trésor des Chartres.

La prévôté de Paris, fief héréditaire de la famille des Le Riche, jusqu’au début du xiie s., est alors acquise aux enchères par l’aristocratie bourgeoise et commerçante de Paris, en fait par la Marchandise de l’eau, qui élit elle-même son prévôt et ses échevins. Très confiant, Philippe Auguste remet à ses membres (Pierre Le Maréchal et six bourgeois de Paris), à la veille de son départ en croisade en 1190, les clefs du Trésor et la garde du Sceau royal. Mais, conscient du danger que représente à long terme pour la monarchie une telle appropriation de la puissance publique dans la capitale par les détenteurs du pouvoir économique, Louis IX décide, vers 1258, que le prévôt royal de Paris ne sera plus un fermier, mais un officier royal nommé, payé et révocable par le souverain, qui lui attribue les pouvoirs d’un bailli sans lui en décerner le titre prestigieux, afin de bien souligner qu’il se considère comme le maître en dernier ressort de la capitale. Le prévôt royal a pour tâche de maintenir l’ordre dans la ville, d’assurer la police des métiers, de rédiger même les statuts de ces derniers, qui sont rassemblés dans un Livre des métiers par Étienne Boileau, premier officier investi de cette charge par Louis IX. Pour exercer ses responsabilités, il dispose de deux forteresses, le Grand et le Petit Châtelet ; ces forteresses, construites respectivement au débouché septentrional du Grand Pont et au débouché méridional du Petit Pont, surveillent l’accès de la Cité. Résidence théorique, mais inconfortable du prévôt royal, siège de son tribunal, défendu par une force armée, celle des sergents du Châtelet, célèbre enfin par ses prisons, la première de ces forteresses ne permet l’accès du Grand Pont que par l’intermédiaire d’un étroit tunnel de 28 m de long. Protégés à l’autre extrémité par le garde du Palais royal, les changeurs et les orfèvres peuvent donc se livrer en toute sécurité à leurs lucratives activités sur ce pont, dont le nom actuel conserve le souvenir (« Pont-au-Change »).


Puissance et faiblesse urbaines


Les institutions municipales

Au débouché nord-ouest du Grand Pont, la Maison de la Marchandise bénéficie également de la protection du Grand Châtelet, auquel elle est adossée. Là siègent le prévôt des marchands et les quatre échevins de la Hanse des marchands de l’eau jusqu’au transfert, en 1358, du Parloir aux bourgeois en la Maison aux piliers, achetée par Étienne Marcel en 1357 et sur l’emplacement de laquelle a été édifié entre 1533 et 1628 l’Hôtel de Ville, détruit par la Commune en 1871 et reconstruit depuis lors au même endroit. Cinq magistrats, élus pour deux ans et rééligibles au moins deux fois, héritent de l’administration municipale que leur cède Louis IX en contrepartie de la suppression de l’affermage de la prévôté royale. Le souverain les charge de la police des vivres et de l’exécution de nombreux travaux d’utilité publique, tels que l’entretien des quais de la Seine, l’enlèvement du cours du fleuve de tout obstacle à la navigation — dont la sécurité au niveau du Grand Pont est assurée par l’« avaleur de nefs » —, le curetage des fossés, le pavage des rues, entrepris pour la première fois par Philippe Auguste, au profit notamment de la croisée de Paris : rues Saint-Jacques et Saint-Martin et rues Saint-Honoré et Saint-Antoine.

Dans ces conditions, la municipalité parisienne devient un organisme très complexe. Au sommet se mettent en place progressivement trois organes de décision : le Bureau de la ville, composé du prévôt des marchands (dont le premier est en 1263 Evrard de Valenciennes) et de quatre échevins, du receveur du domaine, du procureur de la ville et du clerc du receveur ; le Conseil de la ville, qui comprend depuis 1296, outre les huit membres du Bureau, vingt-quatre conseillers de ville, dont la consultation est indispensable en cas de décision importante ; enfin, l’Assemblée générale, qui finit par englober non seulement tous les membres du Conseil, mais aussi le recteur, les délégués des cours souveraines, ceux du clergé et ceux des bourgeois, ces derniers à raison de six représentants par quartier avec leur quartenier. La liaison avec la population est assurée sur le plan territorial par l’intermédiaire de nombreux agents d’exécution, également élus et dont les fonctions, de ce fait, ne sont pas rétribuées : les seize « quarteniers » institués par Charles V, et dont le nombre ne varie pas jusqu’en 1789, malgré la division de Paris en vingt quartiers en 1702 ; les « cinquanteniers » et les « dizeniers », qui finiront par être respectivement soixante-quatre (trente-deux avant 1550) et deux cent cinquante-six ! Les uns et les autres ont pour mission, dans leur ressort respectif, de prévenir les incendies (mise en place des seaux d’eau), de veiller au maintien de l’ordre (notamment en barrant de chaînes les rues), de dresser les listes de notables en vue des élections, d’établir des relevés précis des stocks d’armes et de produits alimentaires, etc. Enfin, à la base, la municipalité rétribue un nombreux personnel de sergents de la Marchandise de l’eau — chargés de faire respecter les privilèges de la Hanse —, de crieurs, de mesureurs, de jurés-vendeurs, de courtiers contrôlant au profit de cette dernière toutes les transactions concernant en particulier le négoce du vin. Enfin, trois compagnies de cent archers chacune, toutes équipées uniformément d’arquebuses par Charles VI, ainsi que la milice bourgeoise, recrutée dans le cadre des quartiers, assurent la défense de la capitale contre tout danger intérieur ou extérieur.