Panamá (les scandales de) (suite)
Le 20 décembre, la levée de l’immunité parlementaire est demandée contre cinq députés, dont Rouvier et le journaliste Emmanuel Arène (elle sera suivie par celle de cinq sénateurs). Le même jour, Paul Déroulède attaque Clemenceau avec fureur. Dans le duel au pistolet qui suit, toutes les balles se perdent ; la carrière du leader radical sera toutefois brisée jusqu’à la fin du siècle.
L’âge et l’état physique de Ferdinand de Lesseps lui épargneront d’être présent au procès ; l’arrêt ne lui sera pas non plus signifié et le « Grand Français » ne purgera pas sa peine : cinq ans de prison, comme pour son fils Charles ; Gustave Eiffel et deux administrateurs sont condamnés à deux ans de prison. Les condamnés, sauf Charles, qui doit encore être jugé pour corruption, sont libérés le 15 juin : les arrêts, sévères, ont été cassés, car les accusés étaient, en fait, couverts par une prescription. En ce qui concerne la corruption, quatorze parlementaires fourniront, plus ou moins aisément, des explications sur les versements dont ils ont pu bénéficier. Finalement, le procès en corruption sera, lui, singulièrement clément pour les prévenus : cinq parlementaires et un administrateur sont acquittés ; seuls sont condamnés : à cinq ans de prison, l’ancien ministre Baïhaut ; à deux ans, un comparse, Blondin ; à un an, Charles de Lesseps (il sera libéré en sept. 1893). Cornélius Herz est condamné, par défaut, à cinq ans. Enfin, à la suite de révélations d’un ancien intermédiaire du baron de Reinach, Léopold Arton, de nouvelles poursuites seront lancées en 1897 contre trois députés, un sénateur et cinq anciens députés : elles se termineront par un acquittement général.
Malgré son tumulte extraordinaire, le scandale de Panamá ne sera pas un désastre pour le régime, puisque les républicains l’emporteront largement aux élections de 1893. Mais les socialistes, avec une quarantaine d’élus, font une percée qu’ils doivent très largement à l’immense dégoût contre les « puissances d’argent » qui s’est alors largement développé dans une partie de l’opinion. Il restera encore un puissant courant de mépris vis-à-vis du parlementarisme et de la « politique », dont on peut dire qu’il n’a pas été encore complètement tari.
S. L.
➙ Lesseps (Ferdinand de) / République (IIIe).
A. Dansette, les Affaires de Panama (Perrin, 1933). / A. Siegfried, Suez, Panama et les routes maritimes mondiales (A. Colin, 1940). / J. Bouvier, les Deux Scandales de Panama (Julliard, coll. « Archives », 1964).