Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Paléologues (les) (suite)

Si Michel VIII fut moins actif et moins heureux en Orient, ce fut moins par négligence que par impuissance. Depuis deux siècles, les Turcs s’étaient répandus en Anatolie et avaient pris possession du sol ; leur nombre y avait encore grossi à la suite de l’invasion mongole du xiiie s. Il n’y subsistait plus que de rares îlots helléniques : État de Trébizonde, Bithynie et côtes de l’Archipel. Absorbé par sa lutte contre les États occidentaux et manquant de moyens militaires et financiers pour repousser l’ennemi, le Paléologue recourut encore à la diplomatie. Pour faire pression sur le sultanat d’Iconium, il noua des relations avec Hūlāgū, le khān mongol de Bagdad. Il se concilia les Tatars de la Horde d’Or en donnant pour femme à leur chef Nogay sa fille naturelle Euphrosyne, et il entretint de bonnes relations avec les Mamelouks d’Égypte, leur accordant le droit de transiter à travers le Bosphore pour marchander avec leurs congénères du Nord.

Lorsqu’il mourut en décembre 1282, l’Empire était à l’abri d’une croisade occidentale, mais, pour ses successeurs, le danger allait venir des États grecs séparatistes et surtout de la péninsule anatolique, qu’il n’avait pas pu recouvrer.


Le déclin de l’Empire

L’Empire avait retrouvé son rang, mais au prix d’un épuisement financier et militaire, et les successeurs de Michel VIII ne purent, quelle que fût leur valeur, parer au délabrement annonciateur de la catastrophe.

Le fils de Michel VIII, Andronic II (1282-1328), un homme de vaste savoir, ne fut pas un grand souverain, moins par manque d’envergure personnelle qu’en raison des difficultés qu’il rencontra. L’union religieuse avec Rome, compromise par le revirement de la papauté et reconnue plus nuisible qu’utile, fut abandonnée. Le relâchement du système administratif enleva au pouvoir central une grande part de son autorité sur les provinces, désormais soumises aux pressions des grands propriétaires locaux, civils et ecclésiastiques. Ces latifundiaires, qui ajoutaient parfois à leurs privilèges financiers celui de rendre la justice sur leur domaine, ne cessaient d’absorber les petites propriétés, et le rendement de l’impôt s’en trouva affaibli. Incapable d’entretenir une armée, d’ailleurs presque exclusivement composée de mercenaires, dont le budget dévorait les finances de l’État, Andronic décida de réduire les effectifs et de supprimer la flotte de guerre, initiative qui se révéla vite catastrophique. La dévaluation de la monnaie d’or byzantine ruina son crédit dans les pays étrangers, entraîna une forte hausse des prix et jeta beaucoup de gens dans la misère. Pour accroître le rendement de l’impôt, on recourut à des expédients de toutes sortes, mais, faute d’une armée suffisante, une bonne partie des rentrées fiscales tomba sur les caisses des puissances voisines, à qui il fallait acheter la paix à prix d’or.

En politique extérieure, Andronic fut contraint à une politique sans ambition, à la mesure de ses moyens financiers et militaires. Il tenta d’enrayer l’expansion serbe en mariant sa petite-fille Simonis au kral Étienne VI Uroš II Milutin (1282-1321). Abandonné par ses alliés génois durant la guerre entre les deux républiques italiennes, il dut essuyer seul les représailles de Venise et capituler devant ses exigences (1302-03). En Asie Mineure, l’expansion turque submergeait les dernières possessions byzantines, à l’exception de quelques villes, et en Bithynie s’installait Osman Ier Gazi (1281-1326), l’ancêtre de la dynastie qui allait bientôt conquérir les Balkans et Byzance. La Grande Compagnie catalane de Roger de Flor, engagée pour repousser les Turcs, devint vite un fléau pour l’Empire : ses victoires sur l’ennemi furent sans commune mesure avec ses destructions massives en Asie et surtout en Thrace, qu’elle dévasta impunément durant deux ans (1305-1307), avant d’aller envahir le duché d’Athènes (1311), et, pendant ce temps, les Bulgares agrandissaient leur territoire aux dépens de l’Empire.

Les dernières années du règne furent assombries par des discordes au sein de la famille impériale. Le petit-fils du basileus, le futur Andronic III, se révolta et s’enfuit à Andrinople, où ses partisans, des représentants de l’aristocratie, avaient rassemblé une armée (1321). Andronic II, conscient de son impopularité, s’empressa de faire la paix, et l’Empire fut partagé, le rebelle s’octroyant la Thrace et la Macédoine. Les conséquences de cette lutte intestine furent ruineuses : paralysie de la vie économique, endettement de l’Empire, conquête de Brousse par les Osmanlis, qui y transférèrent leur capitale (6 avr. 1326), et intervention dans le conflit de la Serbie et de la Bulgarie.

Le règne d’Andronic III (1328-1341), qui s’empara de Constantinople le 24 mai 1328, fut une période d’accalmie entre deux guerres civiles. Secondé par Jean Cantacuzène*, un vaillant général et un fin politique, le basileus s’employa à redresser la situation : il entreprit une réforme de l’appareil judiciaire, restaura les villes dévastées, créa une flotte de guerre, conquit les principautés grecques de la péninsule balkanique et les incorpora à l’Empire, mais pour peu de temps, car la poussée expansionniste serbe s’exerça sur ces mêmes régions, qui tombèrent aux mains du kral Étienne IX Uroš IV Dušan (1331-1355). Accaparé par la défense des provinces européennes, Andronic III ne put empêcher les Turcs de s’approprier les dernières places byzantines d’Asie et même de piller le littoral de la Thrace. À l’intérieur se développa une crise religieuse qui opposa les mystiques, appelés hésychastes, et les rationalistes imbus de philosophie aristotélicienne (v. palamisme). Le concile de juillet 1341, qui hésita à départager les adversaires, ne fit que durcir les oppositions. La mort du basileus (15 juin 1341) fut suivie d’une nouvelle guerre civile qui prit des allures de guerre sociale : le parti de la capitale dirigé par le régent Apokaukos et l’impératrice veuve Anne de Savoie, et qui s’appuyait sur les basses classes, affronta le parti des grands propriétaires, représenté par l’usurpateur Jean Cantacuzène, qui avait le soutien des « puissants » et des moines.