révolte du papier timbré ou révolte des Bonnets rouges

On désigne sous le nom de « révolte du papier timbré » les troubles qui agitèrent la Bretagne en juillet 1675, après l'imposition par Colbert, sans que les états y aient consenti, d'une taxe sur le tabac et la vaisselle d'étain, et par la création d'un papier timbré spécial exigé pour les actes authentiques et judiciaires. Ces mesures avaient été prises pour renflouer le trésor royal, vidé par les dépenses de la guerre de Hollande.

1. Le soulèvement

Cette aggravation de la fiscalité royale fut très mal accueillie par les Bretons, non seulement parce qu'elle bafouait l'autonomie de la province, consacrée par le traité de 1532, mais surtout parce qu'elle accablait sous de nouvelles charges une population déjà écrasée de misère. Après un premier mouvement à Bordeaux, puis Nantes, en avril, la révolte éclata le 2 juillet à Rennes, où les habitants des faubourgs saccagèrent les bureaux du tabac et du papier timbré, et lapidèrent la résidence duc de Chaulnes, gouverneur de Bretagne. Amie du duc, chez qui elle résidait alors, Mme de Sévigné écrivit : « Il y a de petites tranchées en Bretagne, il y a même eu à Rennes une colique pierreuse. Monsieur de Chaulnes voulut par sa présence dissiper le peuple, il fut repoussé chez lui à coup de pierres : il faut avouer que tout cela est bien insolent. »

Le mouvement gagna rapidement les campagnes de Basse-Bretagne, de Carhaix, Châteaulin et Pontivy. Menés par Sébastien Le Balp (1639-1675), un ancien notaire, les paysans furieux et coiffés d'un bonnet rouge en signe de ralliement, après avoir pillé les bureaux de vente, s'attaquèrent aux châteaux, brûlèrent les titres de propriété ; ils acclamèrent même un texte qui fera date, un Code Paysan, véritable cahier de doléances des gens de la terre, plus d'un siècle avant les cahiers de doléances de la Révolution française, et proclamant l'abolition des « droits de champart et corvée prétendus par les gentilhommes ».

2. Une impitoyable répression

Cette révolte fut impitoyablement réprimée par le duc de Chaulnes : ayant fait appel à l'armée, il fit pendre les paysans par centaines, comme à Combrit, où pour l'exemple, quatorze paysans furent pendus au même chêne, si bien que le gouverneur put bientôt écrire à la Cour : « Les arbres commencent à se pencher sur les grands chemins du poids qu'on leur donne ». Ayant ensuite ordonné de décapiter les clochers des paroisses rebelles (en particulier ceux de Lambour, Languivoa, Lanvern, Tréguennec, Saint-Honoré et Combrit), il entra dans Rennes avec 5 000 soldats, imposa aux habitants des faubourgs de loger ses troupes et rétablit l'ordre. Le Parlement, hostile au pouvoir royal, fut exilé à Vannes : il n'en fut rappelé qu'en 1690.

Le 30 octobre 1675, Mme de Sévigné, toujours d'humeur badine, pouvait écrire à sa fille : « Voulez-vous savoir des nouvelles de Rennes ? Il y a toujours 5 000 hommes, car il en est venu encore de Nantes… Cette province est un bel exemple pour les autres et surtout de respecter les gouverneurs et les gouvernants, de ne leur point dire d'injures et de ne point jeter de pierres dans leur jardin. On a chassé et banni toute une grande rue et défendu de les recueillir sous peine de vie, de sorte qu'on voit tous ces misérables, femmes accouchées, vieillards, enfants, errer en pleurs au sortir de cette ville sans savoir où aller, sans avoir de nourriture ni de quoi se coucher… On en a pris 60 : on commence à pendre demain… Tout y est plein de gens de guerre, et il s'en écarte qui vont chez les paysans, les volent, les dépouillent… Pour nos soldats, ils s'amusent à voler, ils mirent l'autre jour un petit enfant à la broche… »

Finalement, les états de Bretagne versèrent un don gratuit et Louis XIV accorda l'amnistie en février 1676.

Pour en savoir plus, voir l'article Bretagne.