Jamais l'État hébreu n'a été aussi « affecté dans son âme et dans son corps » par les tourments d'une guerre dont son gouvernement a pris l'initiative, au nom d'impératifs que beaucoup trouvent contestables.

Certes, Israël a extirpé l'OLP de Beyrouth, mais il subsiste des troupes palestiniennes dans le Nord et la Békaa. Son armée a pris ses quartiers pour une occupation — une de plus pour les Libanais —, à laquelle le gouvernement israélien n'a pas fixé de limite, ni dans le temps ni dans l'espace. La dispersion des Palestiniens n'a pas foncièrement modifié les données du problème proche-oriental, puisque, de son côté, Menahem Begin n'a pas assoupli pour autant ses positions concernant l'autodétermination de ceux-ci.

Dès lors, nombre d'Israéliens, hostiles à cette conception qu'un Grand Israël puisse reposer uniquement sur la force militaire, s'interrogent. C'est le sens des manifestations — sans équivalent dans l'histoire du pays — à Tel-Aviv, les 3 juillet et 25 septembre 1982, contre la politique menée au Liban.

456 tués

Les pertes israéliennes depuis le début de la guerre au Liban (6 juin 1982) s'élèvent, au 12 janvier 1983, à 456 tués et 2 461 blessés. Jérusalem avait perdu 872 hommes lors de la guerre des six jours, et près de 3 000 pendant la guerre d'octobre 1973.

Enquête

Aux critiques concernant l'extension prise par l'opération Paix en Galilée s'ajoute l'émotion provoquée par les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila (16-18 septembre) perpétrés alors que l'armée israélienne termine d'occuper Beyrouth-Ouest, afin d'y empêcher, selon l'état-major, « une reprise de la guerre civile ».

Après beaucoup de tergiversations et prenant en considération les pressions de l'opposition travailliste qui réclame sa démission et celle de son ministre de la Défense le général Sharon, Menahem Begin se résigne à accepter le 28 septembre la création d'une commission d'enquête aux pouvoirs étendus. C'est ainsi que sont amenés à y déposer le Premier ministre et les responsables civils et militaires concernés.

La commission avertit, le 25 novembre, Menahem Begin, Ariel Sharon, Itzhak Shamir, le général Eytan, chef d'état-major, le général Drori, responsable des opérations au Liban, que ses conclusions peuvent leur « porter préjudice » et leur laisse jusqu'au 16 décembre pour témoigner encore, s'ils le souhaitent. Menahem Begin, qui justifie à nouveau sa décision d'autoriser les phalangistes à pénétrer dans les camps, refuse.

Curieusement, mais sans doute parce qu'Israël est une véritable démocratie, les conclusions attendues de la commission d'enquête ne constituent pas un facteur paralysant pour le gouvernement. Selon les sondages (26 novembre), une majorité impressionnante d'Israéliens (54 %) considèrent toujours que le Premier ministre Menahem Begin « est le chef de gouvernement dont Israël a besoin », tandis que le chef de l'opposition, Shimon Perès, ne fait, en réponse à la même question, qu'un faible score (6 %).

Durement éprouvé par la mort de son épouse (15 novembre), Menahem Begin annonce qu'il appellera à des élections anticipées si les conclusions définitives de la commission d'enquête — attendues pour janvier 1983 — contiennent, comme tout le laisse prévoir, des critiques à son endroit.

Leçons

En mettant ainsi en question, devant tous, un Premier ministre et des membres du gouvernement et de l'état-major, Israël donne une grande leçon de démocratie et de morale. Malgré de graves révélations, la cohésion gouvernementale n'est pas ébranlée : le général Sharon n'a pas été désigné comme le bouc émissaire.

Les Israéliens s'efforcent de se convaincre que l'importance des tueries de Sabra et de Chatila est très relative dans le contexte libanais. Il reste que les erreurs et les bavures de la guerre de l'été 1982 ont ouvert un grave débat et créé un douloureux cas de conscience. L'armée n'en est pas sortie exempte : des officiers ont démissionné.

Le 30e congrès sioniste, ouvert le 7 décembre à Jérusalem — avec 650 délégués israéliens et étrangers — met en évidence le trouble provoqué dans la diaspora (dix millions de juifs) et le refus d'une politisation trop marquée des relations de celle-ci avec le gouvernement israélien. On semble y être moins décidé à lui apporter cet « appui inconditionnel » qui était auparavant la règle.