L'important réside dans cette longue dérive commune. Elle conduit à envisager un rameau humain issu de formes qui étaient celles de quasi-pongidés, ce que les paléontologistes n'admettaient pas jusqu'alors.

Confrontés à ces résultats, certains d'entre eux se sont mis à réexaminer les fossiles ; et d'abord le groupe des ramapithèques, dans lesquels beaucoup avaient vu des hominidés déjà distincts il y a 14 à 19 millions d'années. On commence à penser que ces fossiles n'étaient peut-être que des formes ancestrales de l'orang-outan. Un fossile plus récent (environ 8 millions d'années), découvert au Pakistan dans les dépôts des Siwalik, le suggérerait assez nettement

Australopithèques

Quant aux australopithèques, ils sont peut-être plus près des origines qu'on ne l'avait dit. Les dernières recherches, menées surtout au laboratoire d'anthropologie du Muséum (musée de l'Homme), conduisirent à reconnaître que leurs restes les plus anciens, découverts en particulier dans l'Afar éthiopien, comprennent deux ou trois groupes dont le mode de locomotion n'était pas tout à fait le même. Les genoux de la fameuse Lucie (Journal de l'année 1974-75), bipède incontestable, conservaient les caractères de ceux du chimpanzé. D'autres fossiles montrent des attaches musculaires puissantes à l'épaule et au bras. Tout se passe comme si, voilà environ 4 millions d'années, avaient coexisté des formes qui n'avaient pas la même façon de marcher sur deux pieds. Certaines conservaient, avec quelques structures de type pongidé, de bonnes aptitudes à grimper aux arbres. Lucie était peut-être assez près du tronc commun avec les grands singes.

Cette révision déchirante et cet approfondissement des recherches ont donné lieu à de nombreuses communications dans les réunions scientifiques de l'été et de l'automne 1982. La rencontre décisive est sans doute celle qu'a organisée à Rome l'Académie pontificale des sciences, entre paléontologistes et biologistes.

C'est là qu'a été retenue, de façon approximative et provisoire, la date de 7 millions d'années pour l'émergence de la famille humaine.

Des sépultures livrent leurs secrets

Des tombes extraordinaires, on en découvre encore, même en préhistoire et en protohistoire. Les participants au colloque sur les méthodes d'étude des sépultures, réunis à Toulouse en novembre, l'ont constaté avec la nécropole de Kerma, récemment découverte au Soudan. Cet ensemble, daté de 3000 à 1500 avant notre ère, groupe des tumulus où les corps ont été trouvés naturellement momifiés, recouverts de peaux de bœuf conservées elles aussi. Sur les côtés avaient été déposées des centaines de têtes de bovins décharnés (bucranes).

Le plus souvent, toutefois, il faut extraire l'information de restes moins spectaculaires, incomplets ou en mauvais état. Tous les moyens sont bons. Les coquilles d'escargot trouvées par centaines dans les crânes de la sépulture collective chalcolithique de Corconne, dans l'Aude, appartiennent ainsi à une espèce qui ne s'enfouit pas. Les morts ont donc été déposés dans le monument sans être enterrés.

L'étude anthropologique donne lieu à des surprises. Les quelque 400 personnes inhumées dans la sépulture mégalithique de la Chaussée-Tirancourt (Somme) se sont révélées en majorité des femmes. Et, contrairement à ce que l'on croyait, les invasions normandes n'ont en rien modifié le type autochtone de Normandie, qui n'a pas changé d'un iota entre l'époque romaine et la fin du Moyen Âge.

Un gisement préhistorique disparaît sous les eaux

C'est pendant l'hiver 1982-83 qu'a commencé la mise à mort d'un des gisements préhistoriques les plus importants de France, dans les gorges de la Loire, près de Roanne. Le barrage de Villerest, destiné à régulariser le débit du fleuve, a été mis en eau à la fin de janvier.

Les terrasses dominant le fleuve recèlent de la préhistoire sur plusieurs kilomètres. Les hommes sont venus habiter là depuis au moins 50 000 ans. La direction des Antiquités préhistoriques de la région Rhône-Alpes a donc obtenu les crédits nécessaires à une fouille de sauvetage programmé sur six ans, à raison de cinq mois et demi de fouille chaque année. Avant la submersion, un colloque international consacré aux habitats paléolithiques s'est réuni à Roanne. Les participants ont pu voir les structures dégagées sur le site de la Vigne Brun : quatre habitats datés d'environ 23 000 ans, qui ont livré des silex taillés par dizaines de milliers.