Vers 1960, son élève Bergström décèle la prostaglandine dans un extrait de testicules de bélier, puis il isole sous forme cristalline plusieurs variétés (prostaglandines E, F, D). Depuis, le nombre de prostaglandines identifiées s'est encore accru ; certaines ont été synthétisées.

Le terme englobe plusieurs séries de composés dont la caractéristique biologique commune est qu'ils sont sécrétés localement par la plupart des tissus animaux où ils exercent une action régulatrice de type hormonal, assurant notamment l'homéostasie au niveau cellulaire. Chimiquement, ainsi que l'a montré Samuelsson, leur précurseur commun est l'acide arachidonique ; sous l'action d'une enzyme, la cyclooxygénase, il donne des molécules instables, les endopéroxydes, qui à leur tour donnent naissance aux premières prostaglandines identifiées, ainsi qu'à des substances très proches : prostacycline (ou prostaglandine G) et thromboxane A.

Ce dernier composé, très instable (demi-vie : 30 secondes) induit dans le sang l'agrégation des plaquettes, autrement dit la formation, lors de la coagulation, d'un caillot capable de boucher une lésion. Par la suite, Vane élucide la biosynthèse de la prostacycline, dont l'action, antagoniste de celle du thromboxane, inhibe la coagulation. Le thromboxane est particulièrement synthétisé dans les plaquettes et les poumons, mais il n'apparaît pas dans les vaisseaux ; au contraire, la prostacycline est produite surtout dans les vaisseaux et l'utérus, non dans les plaquettes. Une série d'expériences a montré que les prostaglandines jouent un rôle dans l'inflammation aiguë et la genèse de la douleur, ce qui a permis de comprendre le mode d'action de l'aspirine : elle bloque la formation des endopéroxydes.

Enfin, Vane a établi que les prostaglandines de l'utérus interviennent probablement dans la menstruation, l'implantation de l'œuf et la parturition. La diversité des effets exercés par les prostaglandines conduit à de très nombreuses applications thérapeutiques, les unes sont déjà courantes, les autres sont en voie d'expérimentation.

John R. Vane

Britannique. Né le 29 mars 1927 à Tardebigg, dans le Worcestershire. Docteur ès sciences à Oxford (1970). Après avoir travaillé comme chercheur dans divers laboratoires de Grande-Bretagne, il a enseigné la pharmacologie à l'université de Londres. Depuis 1973, il dirige le groupe de recherche et développement de la Fondation Wellcome, à Beckenham (Grande-Bretagne).

Sune K.D. Bergström

Suédois. Né le 10 janvier 1916 à Stockholm. Études en Suède. Assistant au département de biochimie de l'institut Karolinska de Stockholm (1944-1947). De 1963 à 1966, doyen de la faculté de médecine de l'institut Karolinska, puis recteur de cet institut. Depuis 1975, il préside le conseil de direction de la fondation Nobel, et depuis 1977, le conseil consultatif de l'OMS, à Genève.

Bengt I. Samuelsson

Suédois. Né le 21 mai 1934 à Halmastad. Études de médecine à l'institut Karolinska, où il est reçu docteur en 1961 et où il enseigne la chimie médicale de 1961 à 1966, tout en collaborant, comme chercheur, en 1961 et 1962, au département de chimie à Harvard (USA). Professeur au collège royal de médecine vétérinaire de Stockholm (1967-1972). Depuis 1973, il préside le département de chimie de l'institut Karolinska ; depuis 1976, il est professeur à titre étranger à l'université Harvard, et, depuis 1978, doyen de la faculté de médecine de l'institut Karolinska.

Les médailles Fields

Les médailles Fields — le Nobel des mathématiques — sont décernées tous les quatre ans lors du Congrès international des mathématiciens. Celui de 1982 devait se réunir à Varsovie : 4 000 participants étaient prévus. Les événements de Pologne ont entraîne son ajournement. Toutefois l'Union mathématique internationale a tenu son assemblée statutaire à Varsovie et un jury a décerné des médailles Fields à trois lauréats : le Français Alain Connes et deux chercheurs travaillant aux États-Unis, William P. Thurston et Shing-Tung Yau, la cérémonie de remise des récompenses étant renvoyée à une date ultérieure, probablement en 1983. Les travaux distingués ont pour trait commun de se situer aux confins de la géométrie et de l'analyse. Outre que ce domaine occupe une position centrale en mathématiques, il présente un grand intérêt pour la physique fondamentale, tant pour les applications de la relativité einsteinienne, qui se ramène essentiellement aux propriétés géométriques de l'espace, que pour la théorie des champs de jauge, apparue il y a quelques années en physique des particules. Tout en se rapprochant dans cette perspective commune, les recherches des lauréats sont parties de préoccupations différentes. Alain Connes a développé les algèbres du mathématicien américain d'origine hongroise J. von Neumann, qui avait éclairci les bases de la mécanique quantique, mais dont la théorie était restée inachevée pour certains systèmes physiques indécomposables en systèmes plus simples. C'est encore aux algèbres de von Neumann qu'Alain Connes recourt pour faire progresser la théorie des espaces feuilletés (dont une image peut être donnée par une pâte feuilletée ou par les courbes ligneuses d'un tronc d'arbre). Cette théorie doit beaucoup aussi à William Thurston, qui l'a abordée par des méthodes entièrement nouvelles. Thurston a également renouvelé le problème des symétries de la géométrie non-euclidienne de Lobatchevski, naguère traité par Henri Poincaré. Quant à Shing-Tung Yau, il s'est surtout consacré aux propriétés générales des surfaces courbes, résolvant de nombreux problèmes qui défiaient les mathématiciens et dont certains intéressent directement les physiciens de la relativité.

Alain Connes

Français. Né à Draguignan en 1947. De sa première vocation de musicien, il a gardé un goût prononcé pour le piano. Élève de l'École normale supérieure. Entre au CNRS en 1970. De 1976 à 1980, professeur à l'université Paris-VI. Directeur de recherche au CNRS, professeur invité de longue durée à l'Institut des hautes études supérieures de Bures-sur-Yvette, Alain Connes est le plus jeune membre de l'Académie des sciences, où il a été élu en 1982. Il est le cinquième Français à recevoir la médaille Fields.

William P. Thurston

Américain. Né en 1946 à Washington. Études en Floride, puis à Berkeley. Thèse de doctorat en 1972. Depuis 1974, professeur de mathématiques à l'université de Princeton. Lauréat du prix Oswald Veblen (1976) et du Waterman Award (1979). Connu pour sa capacité exceptionnelle à visualiser les problèmes géométriques dans l'espace, dont il fait bénéficier les auditeurs de ses cours et conférences.

Shing-Tung Yau

Né à Kwun Tung (république populaire de Chine) en 1949. Études à Hongkong, puis à Berkeley, où il passe sa thèse en 1972. Prix du meilleur scientifique de l'État de Californie (1979). Professeur à l'Institut des études avancées de Princeton (1980). Prix Oswald Veblen et prix Carty de l'Académie des sciences américaine (1981).

Recherche

CNRS : nouvelles missions et nouveau statut

Après le vote de la loi d'orientation et de programmation de la recherche (Journal de l'année 1981-82) et la création d'un ministère unique de la Recherche et de l'Industrie sous la houlette de J.-P. Chevènement, un décret du 11 novembre redéfinit les missions dévolues au CNRS :
– évaluer, effectuer ou faire effectuer toutes recherches présentant un intérêt pour l'avancement de la science ainsi que pour le progrès économique, social et culturel du pays ;
– contribuer à la valorisation des résultats de ces recherches ;
– développer l'information scientifique en favorisant l'usage du français ;
– appuyer la formation des chercheurs ;
– participer à l'analyse de la conjoncture scientifique nationale et internationale en vue de l'élaboration de la politique française dans ce domaine.