L'Union européenne veut aujourd'hui aller encore plus loin en tentant d'imposer purement et simplement l'abolition des tractations astronomiques. Jugeant les indemnités de transfert hors la loi et incompatibles avec les principes de libre concurrence et de libre circulation des travailleurs, plusieurs commissaires de l'UE et notamment Mario Monti, responsable de la concurrence, ont suggéré que ces sommes, sans être totalement supprimées, soient fixées selon un montant qui permette à chaque joueur d'être en mesure de racheter son contrat à n'importe quel moment. S'engouffrant dans la brèche, et sans redouter le ridicule, les « syndicats » de joueurs tels que l'UNPF français ont réclamé immédiatement la suppression des transferts, « dernière forme moderne de l'esclavage ». Les hommes politiques ne sont pas en reste. En Allemagne, pays pourtant relativement épargné par la dérive inflationniste, le chancelier Gerhard Schröder a ainsi dénoncé « les sommes folles dépensées pour les transferts (et qui) ne servent pas vraiment le football. L'attractivité de ce sport pourrait pâtir de cet incroyable processus de commercialisation ».

Les joueurs en surchauffe

Selon les tenants de la réglementation, les vices du système appellent de nécessaires corrections : les transferts de jeunes joueurs – certes prometteurs, mais sans expérience – atteignent désormais des sommes que l'on n'aurait jamais payées il y a dix ans pour un footballeur confirmé. La multiplication des matches dilue l'intérêt du spectacle et fragilise des joueurs surutilisés... Bref, la poule aux œufs d'or finira bientôt étouffée par tant d'excès.

Durant la saison 1999/2000, l'affaire Nicolas Anelka a illustré les maux du football actuel. Acheté 220 millions de francs (33,5 millions d'euros) en août 1999 à Arsenal par le Real Madrid, l'attaquant français de 21 ans ne s'est jamais réellement adapté à son nouveau club. Après avoir critiqué les choix de son entraîneur devant des journalistes, le joueur a été condamné à 22 jours de mise à l'écart assortis d'une amende historique de 2,35 millions de francs (360 000 euros) – soit 45 jours de suspension de salaire. La tête d'Anelka « ne tourne pas rond », déclarait alors le président du Real Madrid, Lorenzo Sanz, tandis que, sur la planète football, quelques déshérités s'émouvaient de tant de gâchis : « Avec 360 000 euros, on peut payer 125 fois le salaire mensuel de notre entraîneur de l'équipe espoirs », critiquait ainsi un journal du Costa Rica. Le chef du gouvernement espagnol, José María Aznar, renchérissait lui sur « l'absurdité » de telles sommes. Réintégré en fin de saison, Anelka a largement contribué à la victoire du Real Madrid en finale de la Ligue des champions et justifié l'investissement initial, avant d'être revendu au Paris-Saint-Germain, son club formateur, pour 220 millions de francs (33,5 millions d'euros), soit le recrutement le plus coûteux de l'histoire du football français.

À ce prix-là, un joueur doit être amorti, et vite. La carrière météoritique du prodige Ronaldo est un exemple frappant de cette nouvelle génération de « footballeurs Kleenex », condamnés à la retraite avant même d'avoir atteint la prétrentaine, âge supposé de la maturité pour un joueur de football. Acheté par le PSV Eindhoven 10 millions de dollars à l'âge de 17 ans en 1994, présenté alors comme le nouveau Pelé, le jeune Brésilien a quasiment disparu des feuilles de match depuis la Coupe du monde 1998. Alors mis sous pression pour jouer lors de la finale (perdue 0-3 face à la France) malgré un état physique déplorable, l'attaquant de 24 ans a d'abord mis plusieurs mois à se remettre d'une blessure au genou et de divers maux... avant de se blesser à nouveau gravement au genou, pressé par un club, l'Inter de Milan, qui avait tout de même déboursé 184 millions de francs (28 millions d'euros) pour l'acquérir en 1997. Désormais, le rythme infernal des matches impose aux joueurs un physique de fer. Un international évoluant dans un grand club dispute aujourd'hui près de 75 matches par saison. Peu en sortent indemnes.

Toujours plus

Demandeurs de spectacle, les médias incitent en effet les autorités internationales du football à créer toujours plus de compétitions de haut niveau. En France, un amateur bien équipé pourra bientôt regarder plus de 300 matches par an à la télévision, prés de six par semaine. Pour répondre à la demande, et attirés par la perspective de profits juteux, FIFA, UEFA et fédérations nationales rivalisent d'idées. Devant le tollé déclenché par sa proposition, Sepp Blatter, président de la Fédération internationale, a pour l'instant rangé dans ses cartons l'idée d'une Coupe du monde tous les deux ans. Jusqu'à quand ?