Outre la NSA, quatre autres organismes sont donc membres du réseau : il s'agit, pour le Royaume-Uni, du Quartier général des communications gouvernementales (GCHQ), dont la principale station se trouve à Morwenstow, en Cornouailles ; pour l'Australie, du Defense Signals Directorate ; pour la Nouvelle-Zélande, du Government Communications Security Bureau. Enfin, au Canada, il est fait mention du Communications Security Establishment.

Aujourd'hui, en allégeant considérablement la contrainte géographique, l'utilisation des satellites transforme profondément cette ancienne répartition des tâches. Pourtant, les alliés ont jugé préférable de conserver cette organisation, quitte à introduire des modifications de détail.

Par rapport à la guerre, la coopération comporte cependant une dimension supérieure puisque certains alliés acceptent de servir de bases pour les installations d'un autre membre. En outre, la NSA obtiendra l'autorisation d'installer des stations sur le territoire des alliés des États-Unis, notamment l'Allemagne et le Japon – en Bavière, à Bad Aibling, et dans le nord du Japon, à Misawa. Au fil des années, cette situation ne va pas sans paradoxe puisque les communications des ambassades allemandes et japonaises font l'objet de l'attention d'Echelon !

La compréhension du fonctionnement du réseau est rendue d'autant plus malaisée que plusieurs organisations sont parties prenantes pour leur propre compte avec leurs fonds propres : l'US Navy, l'US Air Force, la CIA disposent de leurs propres satellites dont l'activité est gérée par le NRO (National Reconnaissance Office), autre organisme secret – probablement créé dès 1959 – dont l'existence ne fut officiellement reconnue par le gouvernement des États-Unis qu'en 1993. Enfin, les activités sont souvent confondues au sein d'une même station qui est polyvalente pour l'écoute des communications et la captation des signaux électroniques. Dans un tel labyrinthe bureaucratique, il devient extrêmement difficile de savoir qui fait quoi, dans l'intérêt et sous la responsabilité de qui.

En quoi consiste Echelon ?

Sous la rubrique « recherche et recueil des signaux », on doit distinguer deux catégories de données : les communications et les émissions électroniques. Ces dernières sont consacrées à la captation des émissions de matériels : les radars, les missiles, en général tout émetteur d'ondes. Les premières concernent l'interception des messages chiffrés ou libres que s'adressent des gouvernements, des entreprises, des individus. Echelon s'intéresse évidemment à cette catégorie d'informations qui touchent aussi bien au domaine militaire que commercial, à la vie des grands de ce monde qu'aux échanges entre gouvernements. Depuis vingt ans, il était connu qu'Echelon pouvait obtenir des informations secrètes aussi bien sur l'organisation d'un coup d'État que sur une décision d'augmenter le prix du baril de pétrole.

Les capacités d'écoute électronique ont bénéficié sans doute plus qu'aucune activité militaire du développement de deux domaines : les communications par satellites et l'électro-informatique utilisant des débits toujours plus élevés. À mesure du progrès des systèmes de communication, les capacités d'écoute ont elles-mêmes crû. Toute innovation engendre les moyens de son interception selon un principe de vis sans fin. Ceci explique la véritable explosion des activités d'Echelon entre 1970 et 1990.

Presque entièrement automatisé, le système est capable d'intercepter appels téléphoniques, fax, courrier électronique, messages sur Internet ainsi que transmissions intersatellitaires. Très grossièrement, le volume journalier est estimé à trois milliards de communications. Les modalités d'interception sont variables : capteurs sous-marins implantés sur les câbles téléphoniques, satellites et « renifleurs électroniques » implantés à des jonctions clés des réseaux de communication électroniques.

Les stations

Echelon utilise des stations réparties sur l'ensemble du globe. La principale se trouve à Menwith Hill dans le Yorkshire, au sud de l'Angleterre. Souvent présenté comme un centre d'écoute des communications téléphoniques interceptées par satellites, ce site a un équivalent à Pine Gap, en Australie. En 1996, un reportage vidéo pirate de la station néo-zélandaise de Waihopai permit de constater que les rares techniciens physiquement présents dans un centre d'opérations peuplé d'ordinateurs utilisaient les manuels d'opérations d'Intelsat. Mais rien ne permet d'exclure que certaines installations soient parvenues à conserver une totale clandestinité. Les différentes stations fonctionnent en réseau de manière à pouvoir recouper et fusionner rapidement l'ensemble des données recueillies, chacun disposant d'un numéro d'identité électronique.

Les données recueillies

Le système n'est pas conçu pour s'en prendre à des individus particuliers mais au contraire pour recueillir d'énormes quantités de données pour ensuite les filtrer et parvenir à découvrir des éléments touchant des dossiers cible. Une fois repérée l'information intéressante et ses origines, d'autres services travaillent plus directement sur cet élément précis. Il est néanmoins avéré qu'Echelon a été utilisé pour écouter les communications privées d'opposants à la guerre du Viêt Nam ou bien encore, dans la décennie 1990, les conversations de la princesse anglaise Diana.