Une telle probabilité tenant lieu de certitude, les funérailles officielles des Romanov eurent lieu le 17 juillet 1998 – quatre-vingts ans exactement après leur exécution –, à Saint-Pétersbourg, en présence de Boris Eltsine. Sans toutefois que soit révélé le sort d'Alexeï et d'Anastasia, fils et quatrième fille du tsar, dont les ossements ne furent jamais retrouvés.

L'affaire Louis XVII

L'ADN avait donc parlé. Et donné, du même coup, de nouvelles idées aux historiens. L'un d'eux, le Français Philippe Delorme, était convaincu de longue date que la technique des empreintes génétiques pouvait résoudre l'énigme de « l'enfant du Temple ».

« Le 8 juin 1795, 20 prairial de l'an III de la République, peu avant trois heures de l'après-midi, l'enfant détenu dans la tour du Temple, à Paris, rend le dernier soupir. Aux yeux des fidèles de la monarchie, le défunt n'est autre que Sa Majesté Louis XVII, leur souverain légitime », rappelle-t-il. Mais leurs opposants soutiennent une version différente, et affirment depuis toujours qu'un enfant du même âge a été substitué au dauphin, pour protéger son devenir et la pérennité de la royauté.

Qu'est-il réellement arrivé au prince-héritier Louis-Charles, duc de Normandie, fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette, né le 27 mars 1785 ? Ce dont on est sûr tient en peu de lignes. Il devient dauphin de France en juin 1789, après la mort de son frère aîné Louis-Joseph, duc de Bourgogne. Quatre mois plus tard, le 6 octobre, la famille royale, prisonnière de la Révolution, quitte Versailles pour les Tuileries, puis pour le Temple où elle est incarcérée en août 1792. Le 21 janvier 1793, Louis XVI est décapité. Louis-Charles devient roi de France. Dans la soirée du 3 juillet 1793, le jeune souverain est enlevé à sa mère par les commissaires de la Commune. L'« affaire Louis XVII » commence.

L'enfant reste-t-il au Temple, isolé et mal soigné jusqu'à sa mort, survenue le 8 juin 1795 à l'âge de dix ans ? A-t-on substitué au vrai Louis-Charles un enfant malade, qui mourut de la tuberculose à sa place ?

Pour Philippe Delorme, la réponse est dans l'ADN. Et son projet, à force de persuasion, devient réalité. À la fin de l'année 1999, le duc de Beauffremont, chef de file des légitimistes et propriétaire du cœur du présumé Louis XVII, se laisse convaincre et donne son autorisation pour que l'organe quitte provisoirement la crypte de la basilique Saint-Denis. Quelques mois plus tard, le 19 avril 2000 exactement, le prince Louis de Bourbon, duc d'Anjou et successeur des rois de France, annonce en grande pompe que s'achèvent « plus de deux siècles de mystère ». Les analyses génétiques effectuées sur quelques fragments du cœur l'attestent : l'enfant de dix ans mort à la prison du Temple en 1795 était bien le fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette, guillotinés deux années plus tôt. Louis XVII, et personne d'autre.

On l'a dit, les tests génétiques sont affaire de patience. Comment, alors, les conclusions purent-elles être rendues si vite ? En réalité, une partie de l'enquête avait déjà été effectuée auparavant. Parmi les dizaines de vrais-faux dauphins qui, dans la première moitié du xixe siècle, revendiquèrent être l'« enfant du Temple », l'un d'eux, l'horloger allemand Karl Wilhelm Naundorff, avait failli obtenir gain de cause... À tel point que sa tombe porte l'épitaphe suivante : « Ci-gît Louis XVII, duc de Normandie, roi de France et de Navarre. » Mais les contradictions relevées dans sa biographie entraînèrent en 1950 l'ouverture de sa sépulture, au cours de laquelle des fragments de son humérus droit furent prélevés. En 1993, la technique des empreintes génétiques commençant à convaincre, ces échantillons furent cédés au centre de génétique humaine de Louvain (Belgique). Avec pour mission d'en extraire – s'il en restait – l'ADN contenu dans leurs mitochondries, et de confronter ce matériel génétique à celui des parents maternels de Louis XVII.

Pour limiter les risques de contamination, la même analyse fut confiée, selon l'usage, à un autre laboratoire de l'université de Nantes (Loire-Atlantique). Cinq ans plus tard, les chercheurs rendaient leurs conclusions. Les fragments d'ADN issus de l'os de Naundorff n'avaient aucun lien de parenté avec ceux prélevés sur des cheveux de Marie-Antoinette. Pas plus qu'avec les gènes des deux sœurs de la reine, les archiduchesses Maria-Josépha et Johanna-Gabriela, dont les cheveux dormaient dans des médaillons retrouvés dans un couvent autrichien. Naundorff était un imposteur.