« Ceux qui se rendent à Huê ne deviennent pas tous mandarins », dit un dicton populaire. La raison en est que Huê est la cité des arts par excellence, que les lettrés et les artistes rêvent de conquérir à chaque génération. Beaucoup de prétendants, mais peu d'élus. Qu'à cela ne tienne : à défaut d'honneurs et de gloire, ils seront séduits par le cours nonchalant de la rivière Huong Giang, la rivière des Parfums, qui baigne l'ancienne capitale des Nguyen.

Élevée au cœur d'une région âprement disputée de siècle en siècle par les populations du Sud et celles du Nord, Huê connaîtra son essor après la construction en 1601 de la pagode Thiên Mu, dite « de la Dame céleste » et admirée pour sa stupa (tour) à six étages. Longtemps elle ne sera qu'une citadelle dressée près d'un village dissimulé dans un méandre de la rivière, jusqu'au jour de 1802 où l'empereur Gia Long décidera d'en faire une capitale impériale.

La Cité pourpre de l'empereur Gia Long

Huê compte à peine 200 000 habitants. Le cœur de la ville, situé sur la rive gauche de la rivière des Parfums, est occupé par Kinh Thanh, la Cité impériale, œuvre de l'empereur Gia Long : elle sera la résidence de la cour et de la famille impériale durant tout le xixe siècle. C'est un ensemble monumental formé par trois lignes d'enceintes fortifiées qui couvre plus de 500 hectares et comprend murailles, portes et palais. Son périmètre extérieur mesure 10 kilomètres.

La Cité est tournée vers le sud-est, protégée en amont et en aval par deux îlots rocheux que les bâtisseurs ont identifiés à un petit dragon bleu et à un tigre blanc, symboles respectifs de longévité et de prospérité. Au centre de la Cité impériale s'élève les palais de la Cité pourpre, une reproduction architecturale de la Cité interdite de Pékin, réalisée par des ingénieurs français entrés au service de l'empereur.

Au cours de la guerre de libération, la ville de Huê a été en partie anéantie – notamment pendant la bataille de Huê en février 1968 – et les palais de la Cité pourpre ont été très endommagés. Par bonheur, un ambitieux programme de restauration est entrepris actuellement sous les auspices de l'Unesco pour rendre à la capitale culturelle du Viêt Nam ces joyaux architecturaux envahis par la jungle et dans les ruines desquels des paysans cultivent aujourd'hui le manioc.

Malgré les destructions, Hué n'en continue pas moins de rayonner dans la conscience des intellectuels vietnamiens. Les jeunes rêvent d'y faire leurs études, et les bonzes novices d'entrer dans un de ses monastères. L'atmosphère romantique qui plane sur la cité attire les jeunes mariés en voyage de noces et les touristes étrangers avides de connaître l'éclat de la culture vietnamienne. Les visiteurs sont conviés à se recueillir dans la pagode de la Dame céleste auprès de l'autel où repose le véhicule qui a conduit à Saigon en juin 1963 le vénérable bonze Thich Quang Duc, le jour où il s'est immolé par le feu pour protester contre la politique antireligieuse du président Diêm.

Les sept bras du Mékong

L'ancienne Cochinchine occupe tout le sud du territoire vietnamien. C'est un vaste polder conquis par le fleuve et les hommes sur la mer. À l'est, elle est drainée par le bassin inférieur du Don Naï, petit fleuve né dans les massifs méridionaux de l'Annam, augmenté de la rivière de Saigon et de celle du Vaïco. À l'ouest s'étalent les 40 000 km du delta du Mékong, de la plaine des Joncs aux forêts inondées de Ca Mau.

Le cours du Mékong s'étend sur 4 220 km. C'est le troisième plus long fleuve de l'Asie du Sud Est, après le Yangzi Jiang et le Sông Hông. Fleuve aux eaux tumultueuses, souvent coupé de rapides, le Mékong prend sa source dans le Yunnan chinois. Tour à tour, d'amont en aval, il forme la frontière entre la Chine et la Birmanie, la Birmanie et le Laos, le Laos et la Thaïlande. Puis il traverse le Cambodge sur un axe nord-sud et pénètre au Viêt Nam par la plaine des Joncs, où il se scinde en deux.

Dans la partie basse de son cours vivent près de 45 millions d'hommes repiquant inlassablement le riz dans les terres alluviales gagnées sur la mer, de Chau Phu à Ca Mau, la pointe méridionale en mer de Chine. Le fleuve se divise et se redivise en sept bras qui se jettent dans la mer par les bouches de My Tho, Cua Ba Laï, Cua Daï, Cua Ham Luong, Song Kochien, au nord, et les estuaires de Cua Dinh An et Cua Tranh De, au sud.

Hô Chi Minh-Ville

Celle qui a été pendant deux décennies la capitale du Viêt Nam du Sud s'est développée sur la rive droite de la rivière de Saigon au confluent de l'arroyo chinois, à 80 km de la mer. Centre commercial important, protégé par une forteresse cambodgienne, puis par une citadelle érigée sous la dynastie des Nguyen, Hô Chi Minh-Ville a été, sous le nom de Saigon, le siège du gouvernement français de Cochinchine à partir de 1867.