Journal de l'année Édition 1999 1999Éd. 1999

L'année des bonnes nouvelles

1998 restera pour la France et pour les Français une année exceptionnelle. Pour la première fois depuis longtemps (sans doute le milieu des années 70), les bonnes nouvelles l'ont en effet largement emporté sur les mauvaises. La reprise économique, la baisse du chômage, la fin de la crise immobilière et la confiance partiellement retrouvée dans un gouvernement de cohabitation, « qui travaille », ont provoqué une amélioration du climat social. Mais c'est la victoire en Coupe du monde de football qui a été l'élément moteur d'un retournement de l'opinion. Même si elle n'est pas à l'abri de nouveaux accès de colère ou de mélancolie, la société française a sans doute entamé une phase nouvelle de son histoire.

La première bonne nouvelle fut celle de la confirmation de la reprise économique, si longtemps attendue et retardée. Les signes en étaient déjà visibles depuis environ un an pour les professionnels et ceux qui sont initiés aux subtilités du monde économique. Mais ils n'avaient pas encore été décryptés et relayés par les médias, ni donc perçus par l'opinion. Comme les mauvaises, les bonnes nouvelles n'arrivent jamais seules. La reprise confirmait une décrue du chômage, condition nécessaire d'un retour de la confiance et de la fin du misérabilisme national. Une amélioration modeste, certes, mais suffisamment continue pour indiquer un véritable retournement de tendance. Outre son incidence directe sur l'état d'esprit des chômeurs et de leurs familles, elle montrait aux Français qu'il n'y a pas de fatalité du malheur et que les tunnels, aussi longs et sombres soient-ils, ont une fin. De son côté, la crise immobilière parisienne paraissait enfin jugulée après huit ans de baisse ininterrompue des prix. La réhabilitation de la pierre coïncidait avec celle des autres « valeurs sûres ».

Au pessimisme chronique de ces années de crise économique, sociale et culturelle succédait donc une espérance nouvelle, celle de voir enfin s'inverser les courbes maléfiques, les dérives inquiétantes. Mais cette perspective restait encore incertaine. Fascinés par la météorologie, les Français craignaient une nouvelle déception ; ils savent qu'« une hirondelle ne fait pas le printemps ». L'expérience des années de crise leur a aussi appris qu'« il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué ». En juin, les baromètres du « moral » de la population n'enregistraient donc encore qu'un timide réchauffement conjoncturel.

L'effet « foot »

Il fallait un autre signe fort pour que le frémissement se transforme en véritable mouvement. Il se produisit en juillet, avec la Coupe du monde de football. L'événement était aussi attendu que redouté. En tant que pays hôte, la France se trouvait placée sous les feux des projecteurs planétaires. Les craintes étaient justifiées par le manque de passion qui avait précédé l'événement, avec son cortège de critiques habituelles : les stades coûtaient trop cher ; le budget ne serait pas équilibré ; le sélectionneur était incompétent ; les joueurs n'étaient pas assez bons ni suffisamment motivés... Le doute s'accrut dès les premiers jours avec la grève des pilotes d'Air France, le raté du défilé des « Géants » et l'escroquerie concernant des billets destinés à certains pays. On pouvait donc s'attendre au pire et les journaux étrangers, toujours prêts à fustiger l'arrogance et la désorganisation hexagonales, trouvaient matière à alimenter leurs chroniques.

Et puis le miracle se produisit. L'organisation se montrait à la hauteur et, surtout, les Bleus réalisaient un parcours sans faute et sans précédent. Ils accédaient à la finale tant rêvée contre le Brésil qu'ils remportaient sur un score sans appel. Aimé jacquet, tant critiqué, offrait ainsi à la France son plus beau cadeau. Il devenait un héros national, incarnation de valeurs oubliées : travail, abnégation, autorité, courage, esprit d'équipe, modestie, réalisme. Le résultat était à la hauteur de l'événement, avec une liesse populaire inconnue depuis cinquante ans. La Coupe du monde aura été fabuleuse dans tous les sens du terme. Elle comporte notamment plusieurs morales : seul le travail permet les grandes réussites ; les différences individuelles peuvent être à l'origine des grands exploits ; les valeurs de la France profonde et provinciale sont plus efficaces que les certitudes parisiennes...