Ce bouddhisme s'inscrit dans la tradition vajrayana (ou Véhicule du Diamant), au panthéon complexe et au rituel foisonnant. L'accent est mis sur l'éveil total. Le corps est partie prenante, de façon visible, de la quête spirituelle. Les lieux les plus connus du bouddhisme tibétain sont le temple des Mille Bouddhas en Bourgogne et le centre de Karma Ling en Savoie, où des textes fondamentaux sont traduits en français.

De tradition mahayana (Grand Véhicule), le bouddhisme japonais est présent, en France, de deux manières différentes. Le zen a été implanté par Maître Deshimaru Taisen, de 1967 à sa mort (1982). Depuis, la pratique du « zazen », ou méditation assise, s'est répandue au-delà des centres zen. Ces derniers proposent, selon le spécialiste du bouddhisme Dennis Gira, de « faire l'expérience directe de la vérité ultime, sans l'intervention de la parole ou même du symbole ».

Parfois contestée, la Soka Gakkai (ou « Société pour la création de valeurs ») considère le moine japonais Nichiren (qui vécut au xiiie siècle) comme le Bouddha fondamental. Réciter journellement et avec foi le mantra devant le Gohonzon (ensemble de symboles graphiques) doit donner l'énergie nécessaire pour surmonter les diverses difficultés de l'existence. Il peut en résulter une action dans le monde, notamment en faveur d'idéaux pacifistes.

La majorité de la communauté bouddhiste en France provient de l'Asie du Sud-Est. On trouve une branche vietnamienne mahayana et une branche laotienne et cambodgienne theravada (ou bouddhisme des Anciens). Ce bouddhisme d'exil, lié aux événements dramatiques des années 1960 et 1970, a d'abord renforcé l'identité de réfugiés brutalement déracinés. Les temples s'occupèrent aussi des difficultés matérielles de leurs membres. Une proportion non négligeable appartient, aujourd'hui, à la deuxième génération, et une certaine « francisation » s'opère.

La loi de séparation de 1905 établit l'égalité juridique des cultes. Il n'existe donc pas, en France, de culte reconnu. Par contre, on assiste à un processus par lequel une religion importée s'intègre dans le paysage religieux et culturel du pays. La récente création de l'émission « Voix bouddhistes », dans le cadre des émissions religieuses télévisées, est un des indices de cette intégration.

Un attrait ambigu mais fécond

La profondeur de l'attrait qui se manifeste en France comme dans d'autres pays occidentaux envers le bouddhisme frappe l'observateur. Le succès du livre du philosophe J.-F. Revel et de son fils, brillant scientifique devenu moine tibétain, en témoigne. Plus largement, selon un sondage CSA, 46 % des jeunes Français estiment que le bouddhisme « favorise l'épanouissement personnel » (29 % pour le christianisme), qu'il est la religion la plus tolérante et la plus adaptée au monde moderne (la Vie, 27/03/1997).

Cet attrait n'est pas dépourvu d'ambiguïté, comme le souligne D. Gira : les conflits internes sont largement méconnus (par exemple, la tension au sein des écoles tibétaines quand il s'agit de décider qui est la véritable réincarnation d'un maître renommé). De même se trouvent ignorés les « aspects sombres » de l'histoire du bouddhisme – les moines guerriers – et de son présent – ainsi au Myanmar (ex-Birmanie), où un bouddhisme dominant s'accommode d'atteintes à la liberté religieuse envers les chrétiens et les musulmans. Par ailleurs, la réincarnation, croyance en hausse en Europe (21 % selon l'enquête européenne sur les valeurs en 1990, 24 % en France), est interprétée, pour l'essentiel, comme de nouvelles chances d'accomplissement offertes à chacun alors que, dans les traditions bouddhiques, le but ultime consiste, au contraire, à briser le cycle des renaissances.

Il existe, cependant, des malentendus culturellement créateurs et, si l'attrait du bouddhisme ne dépasse pas, chez beaucoup, une vague sympathie, il en conduit d'autres à participer à des sessions de formation dans divers centres. Des travailleurs sociaux, des paramédicaux, des médecins, confrontés au mal être et à la souffrance, se demandent si l'insistance du bouddhisme sur la compassion ne pourrait pas contribuer à améliorer leur pratique. Dans différents milieux, certains veulent intégrer des éléments bouddhiques dans une identité religieuse sans appartenance qui mélange diverses traditions. Enfin, d'autres veulent « se transformer » et devenir véritablement bouddhistes. Les uns et les autres apprécient une approche spirituelle qu'ils estiment ni dogmatique ni formaliste. Fondamentalement expérimentale, elle leur propose une voie d'accès à l'ultime transcendance fondée sur une méthode de transformation de soi.