La montée du bouddhisme

Au xixe siècle marqué par l'expansion missionnaire chrétienne a succédé un xxe siècle où l'islam, les religions et les philosophies asiatiques s'installent de façon durable en Occident. Si l'islam suscite des réflexes de crainte, les secondes sont plutôt considérées avec sympathie. Le bouddhisme, particulièrement, exerce une séduction croissante.

Sans être absolument nouvelle, cette attirance pour le bouddhisme est relativement récente. Au xviie siècle, les Lumières reprochèrent au bouddhisme de favoriser la passivité. Hegel et certains penseurs français le traitèrent avec mépris, y voyant un « culte du néant ». Les romantiques eurent une vision beaucoup plus positive. Schopenhauer mit en valeur l'idéal bouddhique de fin de la souffrance par la cessation de l'égocentrisme.

Parallèlement, les pionniers des sciences religieuses étudièrent des textes fondamentaux. En 1845, Eugène Burnouf publia une histoire du bouddhisme indien qui devint un classique. Certains ont, alors, une perception assez rationalisante de cette religion non théiste. Jules Ferry, par exemple, invoque la morale bouddhique, « plus exigeante » à ses yeux que celle du christianisme, comme preuve qu'il n'existe aucun rapport « entre les dogmes et la conduite (morale) ».

En 1893, des « messes bouddhistes » (sic) sont célébrées au musée Guimet. Un « bouddhisme de salon » remporte un certain succès. En exagérant, le Figaro prétend cette même année que « le Bouddha compte à Paris plus de cent mille amis et au moins dix mille adeptes ». La presse catholique s'alarme. Une société se crée, au Japon, pour la propagation du bouddhisme en Europe. Inutile d'édifier des temples, affirme-t-elle : on peut méditer le message du Bouddha dans les églises. Une certaine influence bouddhique se propage par des cercles ésotériques. Un Britannique devient moine bouddhiste, en 1902, en Birmanie et, à Ceylan, un monastère permet à des Européens de s'initier à la pratique du bouddhisme theravada. Les premières rencontres de bouddhistes d'Europe sont organisées dans les années 1930 (Berlin, 1933 ; Londres, 1934 ; Paris, 1937).

Bouddhisme et christianisme

Le dialogue interreligieux n'est pas un syncrétisme. Bouddhisme et christianisme restent conscients de leurs différences. Pour les bouddhistes, il existe une contradiction dans l'affirmation chrétienne d'un Dieu personnel tout-puissant, car la personnalisation signifie la limitation. De même, le monde imparfait ne peut pas être l'œuvre d'un Dieu créateur. Le bouddhisme évite donc tout discours sur les origines et cherche essentiellement à libérer l'être humain par le non-attachement total. Les chrétiens, de leur côté, rappellent la distance entre la résurrection (reconnaissance de l'unité de chaque personne, victoire de l'amour sur le destin) et la réincarnation qui risque, selon eux, d'asservir les existences humaines à l'engrenage de la rétribution. Mais les deux religions prônent, chacune, des pratiques de compassion envers le prochain.

La présence bouddhiste en France

Le nombre de bouddhistes en Europe est estimé, actuellement, à environ trois millions. Outre la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne notamment possèdent des communautés d'une certaine importance. Depuis quelques années, le bouddhisme progresse en Europe de l'Est. Créée en 1975, affiliée à l'Unesco comme ONG, l'Union bouddhiste d'Europe veut représenter les diverses communautés auprès des institutions européennes. Elle souhaite aussi faire connaître le bouddhisme dans le respect de la diversité de ses traditions. Quatorze unions nationales y sont affiliées, dont l'Union française, fondée en 1986.

Avec un ensemble estimé à 600 000 personnes (la moitié aurait la nationalité française, un quart serait constitue de Français de souche), la communauté française s'est beaucoup développée depuis vingt-cinq ans. Elle comporte trois pôles : un pôle tibétain, un pôle japonais et un troisième qui rassemble des gens originaires d'Asie du Sud-Est.

Le rayonnement du bouddhisme tibétain en France résulte d'un double mouvement : les voyages de jeunes Français en Inde et au Népal (à partir, surtout, de 1968) où ils rencontrèrent des moines tibétains exilés, l'arrivée de certains de ces moines en France. Près d'une centaine de centres tibétains de diverses écoles assurent un accueil ponctuel ou constituent de véritables monastères. L'école Kagyupa (transmission par l'oralité) prédomine, mais l'ensemble du bouddhisme tibétain bénéficie du prestige du dalaï-lama, chef de l'école des Guelougpas (vertueux).