Le 9 janvier, juste après avoir tué ses parents, Jean-Claude Romand téléphone à Chantal. Il lui confirme qu'il se rend bien à Paris pour aller dîner avec elle chez son ami Bernard Kouchner dans sa maison de Fontainebleau. Vers 20 h, la BMW du faux médecin quitte Paris. Dans la voiture, Chantal, qui s'est habillée pour ce dîner mondain, regarde la carte de la forêt où Romand a tracé un vague point bleu : « Bernard habite en pleine forêt une jolie villa. » À 22 h, il fait nuit noire. La forêt est déserte et les phares éclairent des arbres et des ronds-points identiques. Chantal s'inquiète : « On va arriver en retard. » La voiture s'arrête alors dans une clairière. « Je me suis perdu, je vais chercher l'adresse dans le coffre. » Puis, s'adressant à la jeune femme, qui est sortie de la voiture, il ajoute : « J'ai un cadeau pour toi, un collier, surtout ne te retourne pas. »

Le prétendu collier est en fait un lacet vert en Nylon. Chantal se retourne. Pris de court, Romand laisse tomber le lacet et, avec une bombe lacrymogène, asperge le visage de Chantal. La jeune femme hurle. Elle veut vivre. Elle a deux enfants... Décontenancé, Romand s'arrête. Pour expliquer son geste, il raconte à son amie qu'il souffre d'une très grave maladie, un cancer, qui l'amène à accomplir des actes inexplicables. C'est le professeur Schwartzenberg qui le soigne... Il supplie Chantal de ne rien dire. Il raccompagne la jeune femme à son appartement parisien et fixe un nouveau rendez-vous pour la remise des 900 000 francs. Terrorisée, Chantal se barricade. « Ce n'était pas un guet-apens », assure Jean-Claude Romand à la présidente. « Je ne voulais pas la tuer... consciemment. En tout cas, après l'avoir ramenée chez elle, je suis aussitôt reparti. » Mais avant de regagner son domicile, Jean-Claude Romand fait le ménage. Il se débarrasse du lacet, de la bombe lacrymogène, de la matraque électrique, de la carte de la forêt.

Revenu au petit matin dans sa maison de Prévessin-Moëns, où gisent les cadavres de sa femme et de ses deux enfants, Jean-Claude Romand erre longuement. Il regarde la télévision, puis va chercher à la cave les deux jerricans d'essence qu'il a préparés et les verse sur les lits de son épouse et de ses enfants. Il absorbe des barbituriques (pas trop) et ce n'est qu'à cinq heures du matin, à l'arrivée des éboueurs, qu'il met le feu. Bien sûr, la pièce où il s'est étendu est la seule épargnée par les flammes. Au pompier qui le sauve il a la force de murmurer : « Des hommes en noir sont venus tuer ma femme et mes enfants. Leur chef avait ma taille et un fort accent méditerranéen. »

« Pourquoi ce nouveau mensonge ? demande la présidente.

– Pour ne pas affronter la vérité. »

Vient alors le tour des psychiatres

Ils sont six à l'avoir examiné et disent à peu près la même chose. Ils parlent de personnalité, de pathologie et de rage narcissique. Mais aucun d'entre eux n'explique les raisons d'un tel massacre. Le Dr Olivier Laurent, qui a examiné Romand treize jours après les cinq meurtres, raconte : « Au début, nous avons espéré trouver la vérité. Mais très vite nous avons compris qu'il fallait en faire notre deuil. Son enfance s'est déroulée dans un milieu où la parole circulait peu ou mal. Enfant, il se confiait à son chien, aux escargots, aux fourmis. Il s'était inventé un confident, un double qui le dominait. On l'a élevé en lui disant que dans la vie trois personnes détenaient le pouvoir : le médecin, le prêtre, l'instituteur. Il a voulu être médecin. C'est pour ne pas perdre sa femme, pour ne pas décevoir ses parents qu'il a menti en disant qu'il avait réussi son examen. Mais il avait pris déjà goût aux mensonges. Jean-Claude Romand est un mythomane, qui passe son temps à fuir le vide qui l'habite et à mentir en pensant qu'un miracle derrière lui va tout arranger. »

L'avocat général Jean-Olivier Viout réclame la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une peine de sûreté de trente ans.

Après les plaidoiries de maître Jean-Louis Abad et de maître Saint-Dizier, tous deux du barreau de Lyon, réclamant des circonstances atténuantes. On donne une dernière fois la parole à Jean-Claude Romand.