Malgré la sortie de crise qui caractérise l'évolution économique en Allemagne depuis 1994, les revendications sociales restent très limitées, l'accord intervenant en septembre chez Volkswagen ayant valeur d'exemple : en échange d'une progression minimale des salaires, la firme automobile garantit les emplois pour deux ans. En octobre, les branches de la métallurgie et de l'électronique passent à la semaine de 35 heures de travail hebdomadaire sans réduction de salaire, en échange d'une flexibilisation du temps de travail.

Un chancelier incontesté sur fond de crise des partis

Reconduite de justesse en 1994, la coalition chrétienne-libérale du chancelier Kohl n'a pas eu à compter avec une opposition forte, le Parti social-démocrate (SPD) étant trop occupé par ses querelles intestines. À l'automne, la rivalité est vive entre Rudolf Scharping (nommé à la tête du SPD en 1993 à une majorité fort relative de 40 %) et Gerhard Schröder (36 % lors de la même consultation). Ils représentent en effet deux orientations différentes au sein du SPD. Le premier incarne la sociale-démocratie traditionnellement sensible aux problèmes des plus défavorisés, le second défend une vision plus « moderniste » des rapports sociaux et économiques, ce qui le rapproche des chrétiens-démocrates.

En août, le tribunal constitutionnel de Karlsruhe juge inconstitutionnelle la présence obligatoire de crucifix dans les salles de classe en Bavière. Cette décision (Helmut Kohl la juge « incompréhensible ») ravive les oppositions entre la CDU et la gauche allemande, mais aussi entre les Länder de l'Ouest et ceux de l'Est, très attachés à la séparation de l'Église et de l'État.

Les consultations régionales confirment l'évolution du système des partis vers un pluripartisme modéré. Le Parti libéral (FDP), après s'être maintenu en Hesse (7,4 %), est « sorti » des Parlements des trois autres Länder soumis à renouvellement. Le FDP, potentiellement incapable de jouer le rôle de force d'appoint pour les chrétiens-démocrates, a déjà abandonné aux Verts son rôle de troisième force. Le parti Alliance 90/les Verts, issu de la fusion entre le mouvement civique de RDA de l'automne 89 et des Verts ouest-allemands, ne cesse d'améliorer son score. Il se maintient au pouvoir en Hesse (avec 11,2 %) aux côtés des sociaux-démocrates et il fournit l'appoint nécessaire au SPD de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Avec une progression de 3,9 points, les Verts obtiennent à Berlin 13,2 % des voix.

Les élections berlinoises du 22 octobre montrent à nouveau qu'une « grande coalition » composée de la CDU (Union chrétienne-démocrate) et du SPD profite aux forces en marge du pouvoir, Verts et PDS (Parti du socialisme démocratique), le FDP étant réduit, avec 2,5 % des voix (− 4,6 points), à l'insignifiance. L'effondrement spectaculaire du SPD (− 6,8 points), l'oblige à mettre un terme public à la rivalité entre R. Scharping et G. Schröder : lors de son congrès de novembre, il choisit de mettre Oskar Lafontaine, ministre-président de la Sarre, à la tête du parti. Celui-ci, qui avait mené la campagne aux élections fédérales de 1990, incarne une ligne plus marquée à gauche et plus proche des écologistes. Ces élections confirment enfin l'existence de deux cultures politiques différentes à l'Est et à l'Ouest. Le PDS, issu de l'ancien Parti communiste (SED), au pouvoir en RDA jusqu'en 1989, ne dépasse les 5 % dans les circonscriptions de Berlin-Ouest qu'à Kreuzberg (5,3 %) tandis qu'il oscille entre 26 et 42 % dans les circonscriptions de Berlin-Est. Ce résultat ne s'explique pas seulement par le vote des anciens militants ou adhérents du SED. Le PDS a, en effet, réuni les suffrages de 39 % des jeunes de 18 à 24 ans et de 40 % des fonctionnaires, employés et cadres supérieurs. Le vote PDS permet aux Allemands de l'Est d'affirmer leur identité face aux Allemands de l'Ouest et de défendre leurs parcours personnels à l'époque de la RDA.

En l'absence d'une opposition qui constitue une alternative crédible, le chancelier Kohl jouit d'une autorité qu'on lui conteste d'autant moins que la situation économique et sociale reste plutôt favorable. L'autorité du chancelier semble également incontestée dans un domaine où il est intervenu plus que jamais, celui de la politique étrangère.

La politique étrangère

Depuis la décision du tribunal constitutionnel de juillet 1994, les interventions extérieures de l'Armée fédérale peuvent être autorisées par une majorité simple au Bundestag. Après avoir habitué une opinion publique réservée, sinon récalcitrante, à l'envoi de soldats hors de la zone de défense définie par l'OTAN, le chancelier cherche à répondre prudemment aux demandes de soutien réitérées par ses partenaires européens dans l'affaire de la Bosnie. La Bundeswehr plante ainsi un hôpital de campagne à Split, en Croatie, tandis que ses avions de reconnaissance stationnés en Italie survolent la Bosnie et que des avions de combat Tornados accompagnent les formations alliées à partir du mois d'août. Membre du « groupe de contact », l'Allemagne décide, en octobre, de mettre 4 000 hommes à la disposition de la force multinationale qui sera chargée, le moment venu, de contrôler l'application des accords de paix. L'opposition sociale-démocrate et une partie des Verts apportent leur soutien à cette politique.