Signalons tout de même les noms de Henrik Stangerup, dont le Vipère au cœur (L'Olivier), roman de la malédiction d'être un fils, est aussi un grand livre sur le Paris des artistes ; celui du Suédois Torgny Lindgren, prix Fémina étranger en 1986, auteur de Miel de bourdon (Actes Sud), et celui de son compatriote Lars Gustafsson, qui s'interroge, dans Une histoire de chiens (Austral), sur le relativisme de la morale.

Domaine balkanique

L'année a été riche en publications, tant d'auteurs grecs que d'écrivains issus de l'ex-Yougoslavie. Parmi les premiers, citons Takis Theodoropoulos et la Chute de Narcisse (Actes Sud) : un écrivain revenu de tout découvre que la passion seule peut donner un sens à la vie ; Thanassis Valtinos et la Décade des années soixante, roman en forme de vie mode d'emploi à l'échelle d'un peuple de 1960 à 1970 ; Aris Fakinos et la Vie volée (Fayard) : un vieux militant de la Résistance se remémore les drames du siècle. Parmi les seconds, on retiendra : Danilo Kis et le Luth et les cicatrices (Fayard), nouvelles sur le thème du déchirement de l'homme d'Europe centrale ; Bora Cosic et le Rôle de ma famille dans la révolution mondiale (Laffont) ; Velibor Colic et la Vie fantasmagoriquement brève et étrange d'Amadeo Modigliani (Le Serpent à plumes) ; Milorad Pavic et les Chevaux de Saint-Marc (Belfond) ; Miljenki Jergovic, enfin, et le Jardinier de Sarajevo (Nil), qui aborde, avec un humour noir, la vie quotidienne dans une ville assiégée et martyrisée.

Domaine russe

Récemment disparue, Nina Berberova s'est rappelée à notre souvenir avec les Dames de Saint-Pétersbourg et Zoia Andreievna (Actes Sud), récits mettant en scène des personnages surpris par la révolution de 1917. Témoins des tribulations de leur patrie, Vassili Axionov, dont Une saga moscovite (Gallimard) évoque la Russie stalinienne de 1924 à 1953, et Jacob Golossovker, dont le Roman brûlé (Seuil) constitue une méditation sur la survie de Dieu dans le monde soviétique.

Domaine asiatique

Connue et appréciée depuis longtemps en France, la littérature japonaise a fourni les plus gros bataillons. À côté d'écrivains consacrés, on note l'arrivée de jeunes auteurs dont les romans reflètent les courants nouveaux qui traversent le Japon actuel. Parmi les premiers, Yasushi Inoue a fait revivre le vieil empire du Soleil Levant dans Kosaku (Denoël). Kenzaburo Oe, prix Nobel 1994, dans Une existence bien tranquille (Gallimard), revenait sur un thème obsessionnel, la chronique d'une famille, la sienne, autour d'un enfant handicapé. Abe Kobo, avec Cahier kangourou (Gallimard), a donné un roman fantastique et métaphorique sur la maladie. Parmi les nouveaux venus, on a retenu les noms de Natsuki Ikezawa, avec Pacifique (Picquier), récits ayant pour cadre les îles du Pacifique et pour thème la nature, de Kenji Nakagami, avec Hymne (Fayard), qui évoque l'échouage d'un gigolo dans les quartiers chauds de Tokyo, et de Oko Ogawa, qui décrit, dans la Piscine, les plaisirs pervers d'une jeune fille.

La littérature chinoise a été représentée par Cris (Albin Michel) de Luxun et les Treize Pas (Seuil) de Mo Yan, jeune romancier qui retrace la reconversion des masses au capitalisme sauvage.

Le continent indien a fourni deux romanciers notables : Vikram Seth, avec Un garçon convenable (Grasset), énorme saga de quatre familles dans l'Inde des années 1950, et Shashi Tharoor, avec Show Business (Seuil), qui décrit, à travers le coma d'un grand acteur indien, l'univers hollywoodien comme une métaphore de la société indienne actuelle.

Bruno de Cessole

Prix littéraires

Le prix Nobel de littérature a été attribué au poète irlandais Seamus Heaney, fils d'agriculteurs né en 1939, qui figurait depuis de nombreuses années sur la liste des nobélisables, « pour une œuvre caractérisée par sa beauté lyrique et sa profondeur éthique, qui fait ressortir les miracles du quotidien et le passé vivant ». Seul ouvrage disponible en France (avec les Errances de Sweeney publiées par les éditions du Passeur, à Nantes en 1994), une anthologie de poèmes, Poèmes 1966-1984, publiée chez Gallimard.

Le prix Médicis étranger a couronné un jeune romancier italien, Alessandro Barrico, pour les Châteaux de la colère (Albin Michel), tandis que le prix Fémina étranger allait au Néerlandais Jeroen Brouwers, pour Rouge décanté (Gallimard), récit halluciné sur les camps d'internement japonais.

Enfin, le nouveau prix Jean-Monnet de la littérature européenne a consacré l'écrivain italien Antonio Tabucchi, pour Pereira se souvient (Bourgois).