L'ampleur de ces mesures, qui mettent en cause la gestion paritaire de l'assurance maladie, suscite une vague de mouvements sociaux dont l'impact sur la mise en œuvre de la réforme – comme de celle annoncée pour 1996 de la fiscalité et de la réforme de l'État – est difficile à évaluer fin 1995. Seule certitude : l'heure n'est plus à l'optimisme. La politique de rigueur du gouvernement laisse peu de marge de manœuvre, et les grèves de décembre auront amputé la croissance du dernier trimestre de 0,3 à 0,4 %, d'après l'INSEE. Soit un coût de 5,8 à 7,8 milliards de francs. Le CNPF va encore plus loin en évoquant une perte globale de 20 milliards de francs pour les entreprises.

Souci supplémentaire, le chômage, qui semblait orienté à la baisse, repart à la hausse depuis l'été. Il se chiffre à 11,5 % de la population active en octobre, soit 2 962 000 demandeurs d'emploi, selon les nouveaux modes de comptabilisation du Bureau international du travail (BIT) ou 3 240 000 selon l'ancienne comptabilisation en vigueur jusqu'en juillet. L'INSEE va jusqu'à prévoir un taux de 12 à 12,2 % pour le premier semestre de 1996, c'est-à-dire le niveau de 1994. Logiquement, les sondages indiquent que le moral des Français décline et, fin décembre, le gouvernement reconnaît que l'hypothèse d'un taux de croissance à 2,8 % n'est plus réaliste. Si l'OCDE estime que l'économie française devrait retrouver son dynamisme à partir de la mi-1996, et atteindre un taux de croissance de 2,2 % sur l'année entière, c'est que les économistes, comme le gouvernement, espèrent que la rigueur affichée permettra une baisse des taux d'intérêt, et donc une relance de l'activité. Des vœux, sinon pieux, du moins, aléatoires.

David Barroux et Éric Chol