Les mesures d'allégement des charges sur les bas salaires et la création du contrat initiative-emploi, qui remplace le contrat de retour à l'emploi, doivent permettre la création, selon les économistes de l'OFCE, de 175 000 emplois supplémentaires d'ici à la fin de l'année. Enfin, le gouvernement, désireux de revaloriser le pouvoir d'achat, donne un coup de pouce au SMIC (+ 4 %), au minimum vieillesse (+ 0,5 % en juillet) et encourage l'accession à la propriété par l'instauration d'un prêt à taux zéro.

Si le collectif budgétaire permet au gouvernement de concrétiser dès le début de l'été une partie de ses engagements, le véritable baptême du feu économique du gouvernement Juppé a lieu le 20 septembre, date de la présentation du projet de loi de finances pour 1996. Or celui-ci suscite la déception tant de la part des marchés financiers que du patronat, inquiets de l'absence de réformes d'ampleur pour maîtriser les déficits publics, ainsi que des syndicats, opposés au gel des salaires des fonctionnaires.

En réalité, le gouvernement est confronté aux impératifs du calendrier de l'Union économique et monétaire. Le respect des critères fixés par Maastricht implique une réduction des déficits publics de 6 % du PIB en 1994 à 3 % en 1996, soit une diminution de l'ordre de 60 milliards. Pour y parvenir, le gouvernement préfère, dans un premier temps, alourdir la ponction fiscale plutôt que de tailler dans les dépenses. Les prélèvements obligatoires vont donc atteindre en 1996 le niveau historique de 44,7 %, battant le record de 1984 (44,6 %), ce qui fera de la France le deuxième pays industrialisé le plus taxé après l'Italie. La charge fiscale supplémentaire est supportée aux trois quarts par les ménages (70 milliards), principalement à travers la reconduction des ponctions décidées en juin (TVA, ISF), la hausse des prix de l'essence et du tabac, enfin la suppression d'avantages fiscaux sur l'épargne (assurance-vie et valeurs mobilières).

Des réformes indispensables

Mal accueilli en France, le budget 1996 ne convainc pas non plus les partenaires économiques à l'étranger. L'accumulation des déficits au fil des ans rend en effet problématique la gestion de la dette, dont l'encours atteint 3 340 milliards fin 1995 et dont la charge représente 226 milliards en 1996, soit le deuxième budget civil de l'État.

Le gouvernement semble hésiter à engager les grandes réformes pourtant indispensables. L'éviction en septembre du libéral Alain Madelin de son poste de ministre de l'Économie et son remplacement par le centriste Jean Arthuis sont ainsi perçus comme des signes de frilosité et de crainte face à l'urgence des réformes de la protection sociale et de la fiscalité.

C'est que, souhaitant donner à la fois la priorité à la réduction des déficits et à la lutte contre le chômage, le gouvernement bute vite sur des objectifs contradictoires. Le redressement des finances publiques a pour effet un ralentissement de l'activité, dont s'accommodent mal les mesures de relance de l'emploi.

Sceptiques, les marchés financiers s'attaquent au franc, stoppant net à l'automne le processus vertueux de baisse des taux engagé par la Banque de France. Le manque de confiance des investisseurs étrangers, la démission d'Alain Madelin en pleine préparation du budget et l'absence de réformes attendues, alliés à une rechute du dollar, contribuent à une nouvelle crise du franc début octobre. Face aux attaques répétées des spéculateurs (le franc tombe sous la barre des 3,50 DM), la Banque de France doit remonter ses taux d'intérêt, accroissant l'écart des taux entre la France et l'Allemagne, et le gouvernement est contraint de réaffirmer sa détermination à combattre le déficit budgétaire. En pleine tempête monétaire, Jean Arthuis fait la promesse que le déficit public sera « inférieur à 3 % du PIB » en 1997.

Abandonnant progressivement les ambiguïtés de la plate-forme économique du candidat Chirac, le gouvernement, avec l'appui du chef de l'État, s'engage dans une démonstration de rigueur et d'efficacité, qui passe d'abord par un remaniement ministériel puis surtout l'annonce, le 15 novembre, d'une importante réforme des comptes sociaux. Ni le transfert de la dette de la sécurité sociale sur celle de l'État, opérée il y a deux ans (110 milliards), ni les promesses de maîtrise de dépenses de santé affichées en début d'année par le gouvernement Balladur n'ont en effet réglé la question de leur déficit structurel. En 1995, celui-ci s'établit à une soixantaine de milliards, portant l'endettement des comptes sociaux à 120 milliards. Le Premier ministre, qui s'est engagé à réduire de moitié (30 milliards) le déficit en 1996 et à revenir à l'équilibre d'ici à 1997, soumet aux députés des mesures drastiques : accroissement des prélèvements, instauration d'un régime universel d'assurance maladie, réformes de la médecine hospitalière, de la médecine de ville, de la gestion des caisses, modification de certains régimes de retraite, report de l'allocation autonomie vieillesse, enfin rôle renforcé du Parlement tant pour le contrôle des dépenses que pour la définition des objectifs, ce qui nécessite une révision constitutionnelle.