Éducation

François Bayrou a longtemps été un homme politique heureux. Bénéficiant de la confiance d'Édouard Balladur, qui a fait de lui un ministre de l'Éducation nationale le 30 mars 1993, il réussit si bien la rentrée scolaire de septembre 1994 qu'il devient l'un des hommes clefs de la majorité. Aussi est-il porté le 10 décembre de la même année à la présidence du CDS, qu'il entend bien transformer en un « grand mouvement politique capable de gouverner la France ». Et c'est essentiellement pour les mêmes raisons, malgré son soutien à la candidature Balladur, que non seulement il est maintenu par deux fois dans ses fonctions par Jacques Chirac et Alain Juppé le 18 mai et le 7 novembre 1995, mais qu'il voit celles-ci élargies à l'Enseignement supérieur, à la Recherche et à l'Insertion professionnelle, à charge pour lui de mettre en chantier un projet qu'il a personnellement combattu : le référendum sur l'école promis par le candidat Chirac.

L'étendue de ses responsabilités, la place qu'il occupe dans le nouveau gouvernement (la troisième après le Premier ministre et le garde des Sceaux) lui permettent en principe d'acquérir une réelle autorité et une grande liberté d'action.

La rénovation des enseignements du premier et du second degré

Soucieux de ne pas remettre en cause la rénovation du lycée, initiée en 1992 par Lionel Jospin puis « assouplie » par Jack Lang, F. Bayrou la parachève par la réforme du baccalauréat général, qui est organisé en 1995 sur des bases nouvelles : réduction de 7 à 3 (littéraire, L ; économique et social, ES ; scientifique, S) du nombre des séries entre lesquelles se répartissent les candidats ; mise en place de forts coefficients dans les épreuves « typant » la série ; évaluation à l'écrit de la première langue vivante pour tous les candidats ; valorisation des épreuves pratiques dans les séries technologiques, etc.

Dans la foulée, le ministre relance la mise en œuvre, interrompue par l'élection présidentielle, des réformes qu'il a lui-même prévues et qui concernent d'abord l'école primaire et le collège. Adoptée en juillet, la loi quinquennale de programmation du « nouveau contrat pour l'école » mobilise des moyens importants en argent (14 milliards de francs) et en hommes (création de 9 800 postes et recours à des chômeurs diplômés à qui il sera proposé, à titre provisoire, des missions « d'encadrement et d'écoute »). L'engagement de l'État est immédiat puisque, sur les 158 mesures prévues, près de la moitié entrent en application dès l'année scolaire 1995-1996.

Au niveau de l'école primaire, deux innovations essentielles se dégagent : l'entrée en vigueur en classe maternelle de nouveaux programmes entièrement réécrits en tenant compte de l'avis des enseignants ; l'initiation aux langues vivantes des élèves du cours élémentaire 1re année, à raison d'un quart d'heure par jour.

Parallèlement, dans les collèges, la relance de la réforme est doublement assurée. D'abord par la confirmation d'expériences antérieures qui doivent amorcer une restructuration future en trois cycles ; ensuite par l'adoption de mesures nouvelles comme le soutien systématique en sixième aux élèves en difficulté, la création d'études dirigées et surveillées et l'instauration d'un fonds social collégien.

Dans l'atmosphère bénéfique d'une troisième rentrée scolaire réussie, François Bayrou annonce trois innovations devant compléter la « réforme continue » qu'il entend mener jusqu'à son terme : réorganisation de la journée scolaire en s'inspirant des expériences conduites sur le terrain, notamment celle réalisée à Épinal à l'initiative de Philippe Séguin ; mise en place d'une politique d'orientation susceptible de réduire l'échec scolaire ; simplification du système de formation technologique et professionnelle.

Décidément, le ministre de l'Éducation est un homme heureux. Celui de l'Enseignement supérieur le sera moins.

La crise de l'enseignement supérieur

Il lui faut, en effet, gérer désormais un ensemble complexe d'établissements d'enseignement supérieur et de recherche (universités, IUFM, IUT, CNRS, etc.) assurant la formation de 2,2 millions d'étudiants de plus en plus inquiets pour leur avenir. Dans l'atmosphère délétère créée par la croissance du chômage, la communauté universitaire rejette immédiatement toute mesure laissant croire à la mise en cause des droits acquis de chacune de ses branches.