Elle est menacée d'abord par les aînés et les autorités coutumières, qui refusent souvent de quitter le pouvoir ou tentent de manipuler les élections. Il aura ainsi fallu neuf mois de négociations entre l'opposition gabonaise et Omar Bongo pour effacer les séquelles de l'élection présidentielle contestée de décembre 1993, suivie de violences sans précédent à Libreville. En Guinée, l'élection du président Lansana Conté a été violemment remise en cause et le régime a durci son attitude. Au Lesotho, le roi Letsie III a tenté un coup d'État contre le Parlement, finalement rétabli dans ses droits en raison des pressions exercées par la Communauté de développement de l'Afrique australe et Nelson Mandela.

La vie démocratique est également menacée par des chefs militaires qui s'auto-investissent du pouvoir de représentation des populations. C'est au Nigeria que se trouve l'archétype de cette résistance. Ayant refusé et annulé l'élection de Mooshod Abiola en juin 1993, le général Sani Abacha, en butte à l'hostilité des syndicats et de la coalition nationale démocratique, a choisi l'épreuve de force. Les trois principaux syndicats ont été dissous, le gouvernement militaire s'est arrogé le pouvoir absolu de légiférer, le vainqueur de l'élection présidentielle, malade, a été traduit devant la Haute Cour fédérale d'Abuja et les défenseurs des droits de l'homme sont pourchassés. Triste bilan pour le géant démographique rêvant d'être un exemple !

À Djibouti, les populations civiles du Nord souffrent des représailles de l'armée contre la rébellion afar. Après plus de deux ans de guerre civile, le régime et la rébellion durcissent leurs positions.

La transition s'éternise en Éthiopie, où, deux ans après la chute du colonel Mengistu, les responsables tigréens refusent toujours de participer à une conférence de paix et de réconciliation. En juin, une Assemblée nationale a été élue, mais l'opposition a boycotté les élections, qui n'ont pu avoir lieu dans l'Ogaden, à population Somalie.

Au Malawi, le président Kamusu Banda, dernier dirigeant africain issu des indépendances, qui gouverna son pays avec une poigne de fer, a été battu lors des élections de mai, remportées par le chef du Front démocratique uni (FDU), M. Bakili Muluzi.

Les funérailles officielles de Félix Houphouët-Boigny ont été célébrées à Yamoussoukro le 7 février. Henri Konan Bédié, ancien président de l'Assemblée nationale, est devenu président de la République.

Tchad

Conformément à un arrêt de la Cour internationale de justice de La Haye, le drapeau tchadien flotte de nouveau sur la bande d'Aouzou (114 000 km2) depuis le 30 mai.

Souveraineté

L'Afrique du Sud a transmis à la Namibie, le 1er mars à 0 heure locale, la souveraineté qu'elle exerçait depuis 1910 sur l'enclave côtière de Walvis Bay.

Au Cameroun, des militants de la communauté anglophone du Nord-Ouest (20 % de la population totale) ont brandi la menace d'une sécession si le gouvernement n'ouvrait pas le dossier du retour au fédéralisme.

La Cour Internationale de La Haye est appelée à trancher le différend territorial opposant le Cameroun et le Nigeria à propos de la presqu'île de Bakassi, proche de gisements pétroliers, dont certains villages ont été envahis par des troupes nigérianes.

Togo

Après un début d'année sanglant (près de soixante morts à Lomé en janvier), le Togo, où l'opposition a remporté les élections législatives de février, a un nouveau gouvernement dirigé par M. Edem Kodjo, qui cohabite avec le général Etienne Gnassingbé Eyadéma.

En Gambie, de jeunes officiers ont pris le pouvoir, sans effusion de sang, et créé un Conseil provisoire des forces armées dirigé par le lieutenant Yayah Jammeh, nommé chef de l'État le 26 août.

Touaregs

Le 9 octobre, un accord de paix a été signé entre le gouvernement du Niger et les mouvements de rébellion touaregs, mais, au Mali, le Pacte national de paix de 1992 a été remis en question par des tueries et des affrontements, début octobre, dans les régions de Tombouctou et de Gao.

Au Burundi, les partis politiques ont signé, le 10 septembre, une convention de gouvernement qui définit le partage du pouvoir entre l'opposition et la majorité et évite un chaos « à la rwandaise ». Le 3 octobre, le Premier ministre, Anatole Kanyenkiko, Tutsi originaire du Nord, a été reconduit dans ses fonctions par le nouveau président, Sylvestre Ntibantunganya, Hutu, élu selon une procédure d'urgence.

Les Églises en première ligne

Ouvert le 10 avril, au moment où éclatait la guerre civile rwandaise dans un pays comptant 80 % de baptisés, le premier synode des évêques du continent s'est interrogé sur les résultats réels d'un siècle d'évangélisation. Vingt ans après les interdits du Vatican, le thème de l'inculturation, la pénétration de la foi dans les cultures autochtones, est au cœur de tous les débats. Très présentes dans les luttes contre les pouvoirs autoritaires, en particulier au Zaïre, au Togo, au Gabon, en pointe lors des Conférences nationales et des changements démocratiques survenus au Bénin, à Madagascar, au Congo, en Afrique du Sud, les Églises chrétiennes, qui préconisent un dialogue vigilant avec l'islam, sont menacées à la fois par la résistance des religions du terroir, la prolifération des sectes et la progression du fondamentalisme musulman.