Journal de l'année Édition 1993 1993Éd. 1993

Médecine

Le prix Nobel de médecine et de physiologie 1992 a été attribué à deux biochimistes américains, Edmond H. Fischer et Edwin G. Krebs, pour leurs découvertes concernant « la phosphorylation réversible des protéines en tant que mécanisme de régulation biologique ».

Edmond Fisher, né le 6 avril 1920 à Shanghai, et Edwin Krebs, né le 6 juin 1918 à Lansing (Iowa), travaillent l'un et l'autre à l'université Washington de Seattle.

La phosphorylation est un mécanisme aboutissant à la fixation d'une molécule d'acide phosphorique provenant de nucléoside triphosphate, le plus souvent l'adénosine triphosphorique (ATP), composé présent dans toutes les cellules vivantes, sur une autre molécule.

La molécule phosphorylée est généralement une enzyme, protéine dont la présence est indispensable pour activer une réaction biochimique.

La phosphorylation – suivie d'une déphosphorylation (phosphorylation réversible) – est réalisée sous l'effet d'enzymes nommées protéines-kinases. C'est un moyen de régulation biologique qui joue un rôle très important dans le métabolisme intermédiaire aussi bien anabolique que catabolique, l'activité de très nombreuses enzymes pouvant être décuplée par ce mécanisme. La phosphorylation intervient notamment pour l'élévation de la glycémie (teneur de glucose dans le sang) en cas de stress, lorsque les besoins de l'organisme en sucre sont augmentés. Fisher et Krebs ont montré, il y a déjà une vingtaine d'années, que l'arrivée d'adrénaline dans le foie entraîne l'activation par phosphorylation de plusieurs enzymes qui libèrent du glucose à partir du glycogène, sucre stocké dans le foie. Après déphosphorylation, les enzymes reviennent rapidement à l'état antérieur et sont beaucoup moins actives. Le phénomène de phosphorylation-déphosphorylation, qui apparaît dans de nombreuses régulations hormonales, intervient aussi dans les processus de croissance et de différenciation cellulaires et donc de cancérisation. Il inscrit ainsi le prix Nobel 1992 dans la continuité de ceux décernés ces dernières années.

Continuité

En 1989, le prix Nobel avait été attribué aux Américains Michaël Bishop et Harold Varmus pour leurs recherches sur les oncogènes (gènes impliqués dans l'apparition des cancers). Or certains oncogènes sont activés par des kinases réalisant un phénomène de phosphorylation. Cette activation génique aboutit à la cancérisation d'une cellule normale. La phosphorylation interviendrait en particulier dans l'apparition d'une forme de cancer telle que la leucémie myéloïde chronique.

Les travaux des chercheurs allemands Bert Sakmann et Erwin Neher, lauréats du prix Nobel 1991 pour leur étude des canaux ioniques de la cellule, sont également concernés, car le fonctionnement de ces canaux est réglé en partie par des réactions de phosphorylation réversible.

Bien qu'ils ne débouchent pas actuellement sur des applications pratiques et restent du domaine de la recherche fondamentale, les travaux de Fisher et Krebs permettent d'expliquer un grand nombre de réactions biologiques et pathologiques majeures.

Sida

Au 30 juin 1992, l'OMS (Organisation mondiale de la santé) dénombrait en Europe 84 020 cas, soit une augmentation de 23 % par rapport à l'année précédente. Les deux pays européens les plus touchés sont la France (avec un taux de 82,7 par million d'habitants) et l'Espagne (avec un taux de 104,3).

Plus de 70 % des malades sont des homosexuels (surtout dans l'Europe du Nord) et des toxicomanes (plus nombreux dans l'Europe du Sud). Les hétérosexuels représentent 11,6 % des cas (mais 33 % chez les femmes).

Au cours de la VIIIe Conférence internationale sur le sida, qui s'est tenue à Amsterdam du 19 au 24 juillet 1992, ont été présentées des observations concernant des cas de sida sérologiquement négatifs.

Les auteurs américains (Jeffrey Laurence, de New York et John Curran, d'Atlanta) ont constaté que, chez certains malades développant un sida cliniquement évolutif avec les complications habituelles (infections opportunistes et sarcome de Kaposi), les recherches sérologiques et virologiques n'avaient pu mettre en évidence le virus HIV1 ou HIV2.