Les réformes judiciaires sont loin d'être négligeables, notamment la loi no 91-1264 du 19 décembre qui autorise désormais, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, les officiers de police judiciaire et les agents des douanes à acquérir, détenir et livrer des produits stupéfiants ; elle amnistie les agents trop diligents qui n'avaient pas attendu cette réforme pour se livrer à de telles activités.

Une seconde loi portant diverses dispositions d'ordre social (no 91 -1406 du 31 décembre) institue (art. 47) les modes d'indemnisation des « victimes des préjudices résultant de la contamination par le virus d'immunodéficience humaine causée par une transfusion de produits sanguins ».

Hervé Robert

Vie sociale

Avec le ralentissement de l'activité économique, la crise du Golfe et l'incertitude sur la reprise, la « sinistrose » s'est emparée des Français en 1991. Confrontées à la baisse de leurs résultats, les entreprises se sont lancées dans la course à la productivité en ayant recours à nouveau aux restructurations et aux « plans sociaux » synonymes de licenciements, à quoi est venue s'ajouter la multiplication des défaillances d'entreprises.

Les chefs d'entreprise étaient moroses et inquiets, et le président du CNPF, François Périgot, a durci le ton à l'encontre du gouvernement. Il a plaidé pour le renforcement des fonds propres des entreprises par le développement de l'épargne longue, pour le redéploiement des charges, pour un allégement des prélèvements fiscaux et sociaux et pour une amélioration du système de formation. En revanche, il a dénoncé l'excessif souci redistributeur des pouvoirs publics.

La France est calme

La montée constante du chômage depuis l'automne 1990, la moindre progression du pouvoir d'achat, la dégradation de la situation financière des ménages, la persistance des inégalités et les difficultés de la vie quotidienne pour une partie croissante de la population (les chômeurs de longue durée, les RMIstes, dont l'espoir de réinsertion n'est pas toujours satisfait, les ménages surendettés et les plus démunis confrontés au problème du logement) ont eu raison du moral d'une grande partie des Français. À cela est venue s'ajouter une crise psychologique qui a réveillé de vieilles craintes (peur du chômage, peur de l'immigration, peur de l'insécurité urbaine que la violence dans quelques banlieues a renforcée) accroissant alors la méfiance envers la classe politique.

Pourtant, le malaise était diffus et, globalement, la France est restée calme sur le plan social, le niveau des grèves, qui décroît depuis dix ans, n'ayant jamais été aussi faible depuis 1946. Surtout, les conflits sont restés localisés et les revendications ont été de plus en plus catégorielles. Le climat social s'est tout de même dégradé à l'automne avec la multiplication des grèves et des manifestations (agriculteurs, infirmières, agents des transports, professionnels de la santé, travailleurs sociaux, ouvriers de l'usine Cléon de Renault...), en particulier dans le secteur public.

Dans ce contexte de troubles sociaux, FO (Marc Blondel), soutenue par la CGT, a lancé le 24 octobre une grève générale interprofessionnelle qui n'a pas remporté le succès espéré et qui a reflété la baisse de crédibilité des syndicats.

Confrontées à une perte d'audience, les organisations sont restées en effet divisées, même si les rencontres bilatérales se sont multipliées. Même si Jean Kaspar, à la tête de la CFDT, tentait depuis deux ans de favoriser les convergences intersyndicales, par leur comportement, on pouvait toujours distinguer les syndicats réformistes (CFDT, CFE-CGC de Paul Marchelli, CFTC d'Alain Deleu et FEN de Guy Le Néouammic), qui privilégient la négociation et la recherche de compromis, des syndicats contestataires (CGT, FO). Plus grave, les dissensions au sein des organisations (FEN, CGT, FO) sont apparues au grand jour : ainsi, Henry Krasucki, avant d'abandonner son poste de secrétaire général de la CGT à Louis Viannet, lors du prochain Congrès de janvier 1992, n'a pas hésité à critiquer les pratiques de la centrale en dénonçant son « monolithisme », qui l'appauvrit.

La chasse aux « faux chômeurs »

Toutefois, mettant en sourdine leurs querelles habituelles, les syndicats réformistes ont entrepris une démarche globale et se sont retrouvés pour critiquer la politique budgétaire et exiger un changement de politique économique en proposant une « relance graduée, sélective et sectorielle » de l'économie susceptible d'atténuer la dégradation de l'emploi. À leur demande, ils ont rencontré le Premier ministre, Mme Édith Cresson, le 11 octobre, pour obtenir l'ouverture de discussions dans certains secteurs (automobile, électrique, textile).