Journal de l'année Édition 1990 1990Éd. 1990

La force des nationalistes provient de leur capacité à exprimer des inquiétudes latentes. Aussi, le gouvernement serait-il bien inspiré de tenir compte des critiques et des mises en garde. Il conserve une marge de manœuvre appréciable dans la mesure où certaines positions extrémistes sont loin d'être unanimement acceptées : le colonialisme dénoncé par les nationalistes n'apparaît pas si évident aux Corses qui ont fait carrière dans la fonction publique, même parmi les grévistes du début de l'année; le statut d'autonomie interne, rejeté par les nationalistes les plus engagés, rallie actuellement en Corse des membres du Parti socialiste et même des partis de l'opposition.

Mais, si le gouvernement ne se départit pas d'un comportement directiviste inspiré par la religion de l'État et par les techniciens de l'administration, s'il oublie la générosité pour accroître la charge fiscale et récupérer ainsi une partie de ce qu'il donne, s'il ignore les particularismes auxquels sont attachés les Corses, s'il s'aliène les Corses du continent, au lieu de les inviter à participer de toutes leurs compétences au renouveau insulaire, les plans les plus élaborés et les plus coûteux aboutiront à des résultats partiels ; ils ne régleront pas réellement le problème posé depuis un quart de siècle. Les Corses ressentiront ces mesures, même si elles sont objectivement utiles ou fondées, comme des symptômes de sujétion ou des atteintes à leur dignité, comme l'ont bien montré les réactions de la population lors d'une grève prolongée par le « mépris » supposé du gouvernement.

Au contraire, le projet de protection de l'identité culturelle, intimement lié à un programme de développement, est acceptable par tous les courants d'opinion. Tous les autres plans d'action devraient se fonder de la même manière sur une intelligente concertation et sur une attentive compréhension des ressorts psychologiques d'une communauté minoritaire qui se sent menacée.

Georges Grelou