Journal de l'année Édition 1990 1990Éd. 1990

Henri Antona, président de l'Institut régional du commerce, de l'innovation et de la gestion, a élaboré un rapport destiné à l'Assemblée de région, qui insiste sur la nécessité de créer et d'accueillir en Corse des entreprises performantes, de prévoir dans l'île une formation à la gestion, d'orienter la fiscalité vers l'investissement et d'élaborer un plan d'aménagement cohérent accepté par tous. Une Agence de développement de la Corse permettrait de mettre en œuvre cette stratégie.

À la suite d'une mission d'étude menée en pleine grève, Robert Toulemon, inspecteur général des Finances, préconise une série de modifications dans le soutien à l'agriculture, une nouvelle répartition des aides fiscales et la négociation de conventions de modération des prix.

Un rapport sur l'éducation en Corse, préparé par Émile Arrighi de Casanova, président de section au Conseil économique et social, a été publie le 6 octobre. Il propose la réhabilitation de la langue corse « qui doit redevenir une langue de communication ». L'université de Corte devrait contribuer au redressement de l'économie insulaire en mettant à sa disposition des cadres compétents pour la gestion, la communication, les technologies de pointe et la maîtrise de l'environnement. Dans cette double perspective, Émile Arrighi de Casanova envisage la création d'un Conseil supérieur de la langue et de la culture corses et d'un Centre régional d'innovation et de transfert de technologie.

Lors du Colloque sur le développement économique et l'identité culturelle des îles de l'Europe, qui s'est tenu à Ajaccio du 18 au 20 octobre, la Commission européenne a diffusé un programme d'expansion régionale qui dresse la liste des projets susceptibles d'être soutenus et en partie financés par la CEE.

Enfin, un diagnostic global a été établi par quatre « tables rondes », dont la constitution avait été décidée le 22 mars en pleine grève. Les commissions rassemblant des élus, des syndicalistes et des représentants des intérêts socioprofessionnels se sont réunies vingt-cinq fois du 2 mai au 30 juillet et ont fait appel au concours de deux cents personnes. Les débats ont abouti à un document de synthèse élaboré par Michel Prada, inspecteur général des Finances, remis au Premier ministre le 12 septembre. Michel Prada estimait que l'emploi des « moyens les plus ordinaires » suffirait à améliorer la situation de la Corse.

Éclairé, ou peut-être désorienté, par l'abondance de ces contributions et par des conseils parfois contradictoires, le gouvernement a décidé des mesures à prendre, le 28 octobre, à l'issue de la réunion d'un Comité interministériel consacré spécialement à la Corse. L'inspiration décentralisatrice de Pierre Joxe, resté en retrait depuis le début de la grève, a prévalu sur les conclusions très jacobines du rapport Prada.

En réponse aux revendications motivées par le coût de la vie dans l'île, le gouvernement ouvrira en 1990 un Centre local d'informations sur les prix, le CLIP, qui poursuivra en permanence les enquêtes entreprises actuellement. L'Office des transports de la région Corse pourra participer à l'équipement de la compagnie aérienne Corse-Méditerranée et l'Assemblée régionale devra assurer la rentabilité de l'entreprise. En ce qui concerne les services de l'État, l'indemnité compensatoire de transport sera versée hors impôt. Enfin, l'administration des finances fera désormais appliquer dans l'île l'obligation de déclarer les successions en ménageant une période transitoire.

L'identité corse

Ces dispositions n'ont pas satisfait les nationalistes corses, qui l'ont manifesté quelques jours après par la reprise des attentats dans la nuit du 6 au 7 novembre à Santa-Lucia-di-Porto-Vecchio et, le 13 novembre, à Ajaccio. Les nationalistes fondent leur refus sur un certain nombre d'arguments qui recueillent une adhésion largement répandue : la « spéculation généralisée » que les nationalistes dénoncent n'est peut-être pas aussi générale qu'ils l'affirment, mais existe indiscutablement ; les « Corses qui se vendent pour mieux vendre notre terre », stigmatisés à Corte le 6 août, ont effectivement oublié la tradition et les intérêts de la collectivité insulaire depuis le début des années soixante ; les nationalistes sont volontiers écoutés quand ils refusent que la Corse devienne « le bronzodrome de l'Europe » : Jean-Paul de Rocca-Serra, député RPR et président de l'Assemblée régionale, peu suspect de collusion avec les nationalistes, constatait, lors des colloques sur les îles européennes, que le tourisme était perçu en Corse comme une « forme d'agression rentable, certes, mais une forme d'agression ».