La campagne électorale fut l'objet de deux interventions extérieures inattendues. Dans une interview à la chaîne de télévision américaine ABC diffusée le 20 octobre, le roi Hussein fit clairement connaître sa préférence pour Shimon Pérès, jugeant sa position « encourageante » et estimant, à l'inverse, qu'une victoire d'Itzhak Shamir serait un « désastre absolu ». Quelques jours plus tard, l'OLP entrait, elle aussi, dans le jeu électoral en encourageant les Arabes israéliens à voter pour les partis de gauche et d'extrême gauche favorables à des concessions territoriales. Cette double prise de position arabe a été plutôt mal ressentie par le public israélien, qui déteste que l'étranger lui force la main. Il fut d'autant plus loisible au Likoud de fustiger la déclaration du roi Hussein que celle-ci avait été sollicitée par les travaillistes, via ABC.

Un nouveau gouvernement d'union

Le 30 octobre, soit deux jours avant le scrutin, un attentat à la bouteille incendiaire contre un autobus à Jéricho, en Cisjordanie, coûta la vie à une Israélienne et à ses trois enfants, brûlés vifs. Les auteurs de cette attaque furent arrêtés quelques heures plus tard. Cet attentat pesa sans doute sur l'élection, au détriment du Parti travailliste, et vint rappeler au public que, face à l'« intifada », il ne pouvait y avoir de sécurité totale.

Les résultats des élections furent favorables à la droite nationaliste et religieuse. On en retiendra deux aspects essentiels : l'insuccès du Parti travailliste et la spectaculaire poussée des formations religieuses ultra-orthodoxes. Avec 39 sièges à la Knesset, sur un total de 120, le Likoud a battu d'une courte tête les travaillistes (38 mandats). Pour la quatrième fois en onze ans, le parti de Shimon Pérès a échoué aux élections. Ce nouveau revers n'a cependant pas sonné l'heure de la retraite pour le numéro un travailliste, alors qu'aucun héritier plus jeune ne s'impose.

En remportant une fois de plus les législatives, le Likoud prouve, à l'inverse, son enracinement toujours plus profond dans le pays. C'est une confirmation supplémentaire que le triomphe de Menahem Begin, en 1977, loin d'avoir été un accident, avait bien marqué un tournant capital dans l'histoire d'Israël.

Tout en arrivant en tête, le Likoud a dû concéder plusieurs mandats aux formations religieuses, qu'elles appartinssent à l'extrême droite sioniste ou qu'elles fussent « non sionistes ». Ces dernières, qui contestent la nécessité d'un État juif en terre d'Israël, furent les grandes gagnantes du scrutin. Les ultra-orthodoxes ont obtenu, en effet, 13 mandats, chiffre sans précédent depuis la création de l'État en 1948. Le groupe séfarade Shas a recueilli à lui seul six sièges, devenant ainsi en importance le troisième parti de la Knesset.

Grisés par leur succès, les partis religieux ont posé comme condition de leur participation à une majorité gouvernementale le renforcement de la législation en matière religieuse. Ces exigences ont inquiété une partie de l'opinion israélienne, effrayée par cette montée du fondamentalisme. Le Likoud n'a pu y accéder. Pour se succéder à lui-même, Itzhak Shamir a donc dû reconduire, bon gré mal gré, avec les travaillistes une cohabitation qui avait duré quatre ans dans le cadre de l'« union nationale » ; et les fonctions de ministre des Finances ont été alors confiées à Shimon Pérès.

Cette longue crise ministérielle a affaibli la position internationale d'Israël au moment même où Yasser Arafat proclamait l'indépendance de la Palestine. Malgré le contrepoids du parti travailliste, plus modéré, la présence au poste de Premier ministre d'Itzhak Shamir, fermement opposé à la réunion d'une conférence internationale, a restreint les chances de la mise en branle d'un processus de paix, alors que les États-Unis, après avoir pris des positions hostiles vis-à-vis de l'OLP, décidaient finalement d'ouvrir le dialogue avec elle.

Au cours de l'année, Israël a continué à frapper l'OLP où que ses membres se trouvassent. Le 16 avril, Khalil El Wazir, dit Abou Jihad, numéro deux du Fath et bras droit de Yasser Arafat, était assassiné dans sa villa de Tunis par un commando, dont il s'avérait bien vite, malgré les démentis de Jérusalem, qu'il ne pouvait être qu'israélien. Le silence étant de règle en ce genre d'affaires, Itzhak Shamir se contenta benoîtement de déclarer qu'il avait appris « par la radio » la nouvelle de l'assassinat.