Mais la grande leçon de la révolte en cours, c'est qu'elle a brutalement fait resurgir la nature première, irréductible, du conflit proche-oriental. Pendant quarante ans – guerres et diplomatie obligent – l'antagonisme israélo-arabe avait été largement « exporté » au-delà des frontières d'un État juif acculé à se défendre, pour survivre, contre des ennemis mortels. Aujourd'hui, seuls Israël et les Palestiniens des territoires restent en scène. Les seconds rôles retournent en coulisse, spectateurs impuissants d'un drame qui leur échappe. L'affrontement quotidien de la rue symbolise jusqu'à la caricature ce face-à-face primordial entre les deux principaux acteurs.

Le conflit redevient ainsi ce qu'il était avant l'avènement de l'État israélien à l'intérieur des frontières de l'ancienne Palestine mandataire une lutte « communautaire », une rivalité opiniâtre entre deux peuples, un choc de deux nationalismes dont les légitimités – jusqu'à preuve du contraire – s'excluent, un combat pour la terre et l'existence. Les sanglants événements de 1988 ont au moins le triste mérite de « recentrer » l'attention sur le cœur du conflit.

L'ombre de l'« intifada » a inévitablement plané sur les élections législatives israéliennes du 1er novembre. Un seul sujet domina la campagne : la sécurité. Les deux grandes formations rivales, le Likoud et le Parti travailliste, tentèrent de répondre, chacune à leur manière, à la question centrale : les territoires occupés sont-ils essentiels à la sécurité du pays ? Le soulèvement en Cisjordanie et à Gaza avait, bien sûr, redonné toute son actualité à ce vieux débat. Derrière Itzhak Shamir, le Premier ministre, le Likoud développa un raisonnement à étapes. Les Arabes, soutenait-il, ne reconnaissent pas plus Israël dans ses frontières d'aujourd'hui que dans celles de 1967. Les Palestiniens ne se contenteront pas d'un État en Cisjordanie et à Gaza. Ils veulent la disparition d'Israël. Conclusion : toute concession de sa part serait interprétée comme un signe de faiblesse et ouvrirait la porte à un nouveau conflit.

Une litanie de « non »

La droite nationaliste a donc réitéré son programme qui résonne comme une litanie de « non ». Non à un État palestinien, bien sûr, et à l'abandon de Jérusalem-Est. Non à toute négociation avec l'OLP. Les travaillistes de Shimon Pérès partagent avec la droite ce double refus. Ils n'accepteraient de dialoguer avec l'OLP que le jour où celle-ci reconnaîtrait Israël et renoncerait définitivement au terrorisme. Non à la rétrocession, même partielle, des territoires. Pas question pour le Likoud d'en céder un pouce. La souveraineté juive sur « Eretz Israël » est un dogme intouchable, éternel, l'achèvement de la « révolution sioniste ». Non à l'« échange des territoires contre la paix », un slogan trompeur. Pour le Likoud, Israël ne peut qu'échanger « la paix contre la paix ». Non, enfin, à toute conférence internationale. Il se contente de proposer l'ouverture de négociations directes avec Amman sur l'autonomie des territoires dans le cadre des accords de Camp David, une offre a priori inacceptable par le roi Hussein.

La position travailliste était aux antipodes. Favorable à un compromis territorial dont les termes seraient négociés directement avec une délégation jordano-palestinienne, après qu'une conférence internationale aurait parrainé les efforts des parties en conflit, le parti de Shimon Pérès s'est efforcé de convaincre la fraction hésitante de l'électorat qu'Israël pouvait quitter les territoires sans mettre en péril sa sécurité. Les travaillistes avancèrent d'autres arguments. Au bout du programme avoué du Likoud, soulignèrent-ils, il y a l'annexion pure et simple des territoires, une mesure que le monde arabe ne pourrait pas politiquement tolérer et qui conduirait inéluctablement à la guerre. L'annexion serait la porte ouverte à un autre danger : la défaite démographique. Si les territoires restaient sous le contrôle d'Israël, ce dernier cesserait vite d'être un État juif, compte tenu du dynamisme démographique des Palestiniens. L'État deviendrait binational de facto. Enfin, la poursuite de l'occupation est de moins en moins bien acceptée par les États-Unis. Or, Israël ne peut absolument pas courir le risque de s'aliéner un jour le soutien de l'Amérique, sa grande et puissante alliée.