La politique régionale

Si les grandes orientations en matière d'aménagement du territoire restent inchangées, la décentralisation progresse et les infrastructures routières sont favorisées.

L'aménagement du territoire

En mai 1988, le gouvernement a changé, mais les grandes orientations, elles, n'ont guère été modifiées. Autre ministre, même politique. C'est du moins le jugement qu'on peut formuler, à quelques jours de la fin de l'année. L'aménagement du territoire – c'est-à-dire cette politique nécessairement volontariste qui cherche à rétablir un certain équilibre (disons même une certaine justice) entre les différentes zones du pays, à éviter les concentrations ici, la paupérisation et le vide là – n'est plus, à l'évidence, parmi les priorités gouvernementales. Cette grande idée des années 1960-1980 ne fait plus recette.

On a pu voir une illustration de cette crise au moment de la préparation du budget. Dans sa première mouture, à la fin de septembre, les crédits prévus pour l'aménagement du territoire dans le projet gouvernemental étaient à ce point en recul par rapport à ceux – déjà faibles – de 1988, que la Commission des finances, de l'économie générale et du plan à l'Assemblée nationale a demandé au gouvernement de « revoir sa copie ». Ce qu'il a fait dans un sens un peu plus positif, même si le résultat n'est toujours pas brillant.

La continuité...

En fait, le dispositif gouvernemental pour l'aménagement du territoire présentait, à la fin de 1988 par rapport à 1987, deux similitudes et deux différences essentielles.

Collaborateur fidèle et très proche de l'ancien ministre centriste Pierre Méhaignerie, M. Jean-François Carrez était toujours en poste, comme « patron » de la DATAR. Minutieux, compétent, aussi distant vis-à-vis des flatteurs que des critiques professionnels, il a été maintenu dans ses fonctions par Jacques Chérèque et par Michel Rocard (le Premier ministre ayant occupé de 1981 à 1983 le poste de ministre d'État chargé du Plan et de l'Aménagement du territoire).

Autre similitude, autre constante : les trois défis majeurs de l'aménagement du territoire n'ont pas changé. Il s'agit de la désertification d'une large part du monde rural, selon une « écharpe » qui va des Ardennes aux Pyrénées, en passant par le Morvan et le Massif central ; de la persistance de « poches » de conversion industrielles plus ou moins vastes (chantiers navals, bassins houillers, La Rochelle, Valenciennes, Saint-Brieuc, Decazeville, Aubusson) ; et, enfin, de l'interrogation, toujours recommencée, sur le rôle des villes (foyers d'emplois, d'activité, de culture, de logements, de centres universitaires) dans l'aménagement du territoire.

Sur ce dernier point – la place des villes, leur influence sur leur arrière-pays –, une initiative intéressante mérite d'être relevée. Il s'agit de la constitution, à la mi-octobre, d'une Fédération des villes moyennes. Les circonstances politiques ont voulu que le maire socialiste de Roanne, Jean Auroux, en prenne la tête, alors que tous les travaux préparatoires avaient été menés par le maire (UDF) de Cholet, Maurice Ligot, qui a été désigné comme premier vice-président délégué. Au début de novembre, une soixantaine de villes avaient adhéré à l'association, sur un effectif potentiel de 150 environ, c'est-à-dire des villes qui comptent entre 20 000 et 100 000 habitants. « Nous sommes les brigades légères du développement », lance Jean Auroux, par opposition aux « gros blindés, un peu pesants » que sont les 10 ou 15 grands centres urbains.

Par rapport à la poussière de minuscules communes rurales, les villes moyennes se fixent une mission de « prise en charge ». Elles peuvent jouer un rôle d'animation, d'impulsion, de « recours » économique, à condition que l'État leur en donne les moyens. Et, parallèlement, vis-à-vis des grandes agglomérations, les « brigades légères » estiment, par le réseau et le maillage qu'elles forment sur l'ensemble du territoire, qu'elles peuvent avoir une fonction démultiplicatrice des activités, notamment dans le domaine universitaire. Brest, Valenciennes, Alès ont déjà cette vocation. Roanne, pour sa part, compte déjà 900 étudiants et a mis au point un diplôme d'études approfondies de productique.

... et le changement

Deux similitudes, expliquions-nous plus haut, mais aussi deux différences essentielles.