Enfin, pour dégager quelques ressources supplémentaires destinées à financer l'énorme programme de routes et de transports en commun en Île-de-France, M. Rocard a décidé de relever le taux du versement transport qu'acquittent les entreprises de Paris et des Hauts-de-Seine et d'augmenter très sensiblement la redevance sur les bureaux payée par les promoteurs Des mesures qui ne sont que le premier élément d'un plan plus vaste mais politiquement difficile à mettre au point, Paris et la région Île-de-France étant des fiefs du RPR.

François Grosrichard

La décentralisation

Décentralisation an VI : le changement de gouvernement en mai 1988 a, à deux mois près, coïncidé avec le sixième anniversaire de la loi du 2 mars 1982 qui lançait – de manière irréversible – la décentralisation. Yves Galland, ministre délégué chargé des Collectivités locales dans le gouvernement Chirac, avait – selon ses propres termes – « voulu réussir la décentralisation » et avait pris des dispositions essentiellement pragmatiques sur la fonction publique territoriale (1 100 000 agents), la réglementation des aides financières aux entreprises, le retrait de la compétence des chambres régionales des comptes du contrôle budgétaire des petites communes. Regroupées dans la loi du 5 janvier 1988, ces dispositions prévoyaient aussi une adaptation des règles qui régissent la coopération intercommunale et une définition plus rigoureuse de la liste des départements défavorisés à partir du calcul de leur potentiel fiscal.

Mais, quelques semaines après son arrivée au gouvernement aux côtés de Pierre Joxe, Jean-Michel Baylet, secrétaire d'État chargé des Collectivités territoriales, a fait des déclarations qui montraient clairement sa volonté de ne pas mettre ses pas dans ceux de son prédécesseur.

Les intentions d'un secrétaire d'État

« La décentralisation était en panne, voire en régression dans plusieurs domaines précis, alors qu'elle constitue une des zones d'accord de l'ensemble de la population et de ses élus ; il nous faut la remettre en chantier » a déclaré, le 4 octobre, le secrétaire d'État, qui est aussi président du conseil général du Tarn-et-Garonne et maire de Valence-d'Agen. Et d'afficher ses intentions au nombre desquelles :
– le rattachement au droit commun des agents de la fonction publique territoriale (80 000 personnes) qui ne travaillent qu'à temps partiel dans plusieurs communes, notamment dans les petites communes rurales ;
– l'implication sans réticence des collectivités locales dans les affaires économiques et dans la bataille de l'emploi (comme c'est le cas en Espagne, en RFA, ou en Suède). Les Régions ne doivent pas avoir une sorte de privilège pour les aides directes accordées aux entreprises. M. Baylet veut qu'on reconnaisse aussi ce droit aux départements et aux conseils généraux qui les dirigent ;
– le renforcement, par des actions incitatives de l'État, de la coopération intercommunale. Il existe en effet 36 749 communes (plus que dans les onze autres pays de la CEE rassemblés) et 500 000 élus locaux. Et 89 % des communes françaises comptent moins de 2 000 habitants.

Des budgets considérables

1988 et 1989 sont deux années essentielles pour les collectivités locales. La première a été marquée par les élections cantonales, la seconde le sera par le scrutin municipal.

C'est l'occasion de rappeler que ces collectivités y compris les Régions gèrent des budgets tout à fait considérables : quelque 540 milliards de francs. Des budgets qui ne cessent de progresser à un rythme quasiment deux fois plus rapide que celui de l'État.

Pour les seuls départements, l'ensemble de leurs dépenses est passé de 74 milliards en 1981 à 136 en 1988 non compris le département de Paris. Avec évidemment des écarts considérables puisque, quand le Nord – sorte de grande entreprise – affiche 5,2 milliards, la « PME Lozère » arrive à 232 millions. Mais, lorsque l'on fait des comparaisons en francs par habitant, on note que le Maine-et-Loire investit 518 F, la Corrèze et la Haute-Loire le double et la Savoie 1 282 F.