Un nouveau domaine s'ouvre aux aimants supraconducteurs : la fusion nucléaire contrôlée. Elle nécessite des champs magnétiques intenses puisqu'il faut maintenir le plasma de deutérium-tritium, porté à une centaine de millions de degrés pendant quelques secondes, dans une sorte de « bouteille » magnétique, le Tokamak. Actuellement en construction au CEA de Cadarache, Tore Supra sera la première installation de ce genre avec 18 bobines toroïdales supraconductrices. Elle consommera ainsi, à puissance égale, 250 fois moins d'énergie électrique que son homologue européen le Jet. Les futures machines de fusion de plus grande taille – appelées à constituer la principale source d'énergie du siècle prochain – devront aussi recourir à la supraconductivité. Euratom étudie pour le milieu des années 1990 le Net (Next European Torus) implanté à Munich, tandis que l'Intor, de l'Agence internationale de l'énergie, développera une énergie cinquante fois plus forte que celle de Tore Supra mais ne consommera que dix fois plus de puissance seulement.

Dans ce domaine de la physique des hautes énergies, les grands accélérateurs de particules vont également utiliser des aimants supraconducteurs : 13 000 aimants pour le SSC (Superconducting Super Collider), synchrotron américain de 83 km de circonférence, et 4 500 aimants pour le LHC (Large Hadron Collider) qui sera installé dans le tunnel de 27 km du Cern de Genève.

L'essor de la cryoélectricité

L'électrotechnique supraconductrice ne s'était jusqu'à présent développée qu'en courant continu, notamment pour alimenter les bobines de ces aimants. Alsthom, associée avec les Laboratoires de Marcoussis, centre de recherche de la Compagnie générale d'électricité, est la première société au monde à disposer d'un atelier de fabrication de fils supraconducteurs pour le courant alternatif à 50 Hz. Elle a développé une technologie originale dans le cadre d'un projet lancé par EDF pour la construction d'un cryoalternateur de 250 MW. On part d'un barreau de niobium-titane dans une matrice de cupro-nickel qu'on étire successivement par tréfilage pour obtenir des microfilaments supraconducteurs assemblés ensuite en câbles torsadés. Plus ces filaments sont fins, meilleures sont les propriétés supraconductrices.

Alsthom a récemment réussi à produire des fils supraconducteurs de 0,2 à 0,3 mm de diamètre constitués par un assemblage de 250 000 à 500 000 de ces microfilaments de 0,2 micromètre chacun, ce qui constitue une première mondiale. Pour valoriser son savoir-faire, la société française a créé en 1987 une filiale, Alsthom Intermagnetics, avec la firme américaine IGC spécialisée dans la construction de bobines pour les appareils d'imagerie médicale. De tels fils supraconducteurs ont déjà servi à la réalisation de rotors et d'un petit stator triphasé de 20 kVA étudié en collaboration avec le Centre de recherche sur les très basses températures de Grenoble : pour cela, il a fallu maîtriser la confection et l'isolement de bobines plates de 0,2 mm d'épaisseur.

Ces recherches sur les machines tournantes à rotor et à stator supraconducteurs vont déboucher sur des applications concrètes, par exemple, des matériels embarqués pour l'aviation ; on pense construire des moteurs ou des alternateurs dont la masse serait allégée des deux tiers avec des pertes énergétiques réduites dans les mêmes proportions. Un premier transformateur supraconducteur de 200 kVA a été également expérimenté par les Laboratoires de Marcoussis. Avec ses 800 g de fils bobinés sur un circuit magnétique de 52 kg seulement, il est dix fois moins lourd qu'un modèle classique de puissance équivalente. Cette technique permet enfin de supprimer les fusibles ou les disjoncteurs de protection annexes aux transformateurs. On utilise ici une autre propriété des supraconducteurs : leur passage extrêmement rapide de l'état supraconducteur à celui normal résistif. Le premier disjoncteur conçu sur ce principe a été présenté par Alsthom en novembre 1988 à l'Exposition Élec à Paris : en moins d'une milliseconde, cette bobine supraconductrice peut absorber un courant de 300 A. soumis à un court-circuit. C'est, en quelque sorte, un « superfusible permanent » qui n'a pas besoin d'être remplacé.