Les électroniciens s'intéressent aux supraconducteurs depuis la découverte, en 1962, par un jeune physicien britannique de 22 ans, Brian David Josephson, d'un circuit qui porte son nom : la « jonction Josephson ». Constituée de deux électrodes supraconductrices avec en sandwich une mince couche d'isolant, elle se comporte comme un transistor qui laisse ou non passer le courant, mais avec des vitesses de commutation d'au moins cent fois supérieures, en quelques picosecondes. D'où la possibilité de construire des ordinateurs beaucoup plus rapides (Les premières retombées de la « nouvelle » supraconductivité en électronique ont fait l'objet d'un article très documenté : « L'électronique explose à – 196 °C », par Éduard Launet, Science & Technologie, n° 11, décembre 1988).

Le premier microprocesseur Josephson

Malgré les contraintes du refroidissement de tels circuits à l'hélium liquide, IBM a lancé une équipe d'une centaine de chercheurs sur un projet d'ordinateur Josephson à la fin des années 1970. L'objectif était la réalisation d'un processeur de 10 × 8 × 8 cm capable d'exécuter 70 millions d'instructions par seconde. Le projet fut abandonné en 1983 par suite des difficultés rencontrées pour maîtriser les problèmes de gravure et de densité de courant.

IBM orienta alors ses recherches vers une nouvelle filière technologique : l'arséniure de gallium, qui devrait, dans les dix prochaines années, prendre la relève du silicium pour les futurs microcircuits électroniques. Les Japonais ont également commencé leurs recherches sur la microélectronique supraconductrice au début des années 1980. Leurs travaux ont abouti, au début de l'année 1988, au premier microprocesseur et à la première mémoire en technologie Josephson. Présenté à l'International Solid State Conférence, le microprocesseur de Fujitsu est piloté par une horloge de 770 MHz, trente fois plus rapide que celle des plus puissants microprocesseurs actuels au silicium. Ce circuit ne calcule encore que sur des mots de 4 bits au lieu de 32 bits actuellement, mais ses performances restent étonnantes 5 000 jonctions Josephson sur une puce de 5 mm de côté dont la dissipation thermique n'est que de 3 mW. De même, la mémoire d'un kilobit présentée par Nec regroupe 10 000 jonctions supraconductrices sur 4,4 mm de côté avec un temps d'accès cinquante fois plus rapide que celui des mémoires semi-conductrices les plus évoluées.

De tels microcircuits, réfrigérés à l'hélium liquide, ne seront sans doute pas industrialisés, mais les industriels japonais disposent là d'une solide avance pour aborder la microélectronique supraconductrice à l'azote liquide.

Aux États-Unis, la société Hypres, créée par des chercheurs d'IBM, construit également des appareils de mesure à partir de jonctions Josephson et d'un transistor supraconducteur appelé Quiteron : elle a présenté un premier oscilloscope rapide capable de mesurer des signaux de 10 picosecondes.

Des couches minces supraconductrices

L'application à l'électronique des nouveaux oxydes supraconducteurs pose toutefois des problèmes qui sont encore loin d'être résolus. Tout d'abord, la structure polycristalline des pérovskites ne permet pas l'obtention de couches monocristallines pour réaliser industriellement des circuits intégrés par les techniques classiques de photogravure avec masquage comme avec les tranches de silicium.

Faute de pouvoir obtenir directement des circuits intégrés, on cherche alors à réaliser des circuits en couches minces, de l'ordre du micromètre, par électrodéposition sur des substrats au silicium. Il faut toutefois orienter les « grains » cristallins supraconducteurs pour améliorer les densités admissibles de courant dans ces matériaux qui ne dépassent actuellement pas 1 000 A/cm2.

Plusieurs techniques sont actuellement expérimentées pour réaliser ces circuits en couches minces. Au Leti de Grenoble, on utilise la pulvérisation sous vide à l'aide d'un flux d'ions qui viennent bombarder une cible supraconductrice : après traversée d'un masque, les grains ainsi orientés vont se fixer sur le circuit intégré. Les chercheurs américains des Bell Labs emploient une technique voisine de vaporisation sous vide par laser. De son côté, le Cnet de Bagneux met à profit l'épitaxie par jet moléculaire : on fait croître le matériau dans le vide sur un substrat de structure cristalline voisine en contrôlant la composition des couches.