Enfin, la société évolue, traversée en tous sens par des liens d'homme à homme, qui garantissent la protection des uns, le service des autres et créent des solidarités. Les paysages ruraux reflètent cette organisation avec la mise en place de villages et de bourgs autour des mottes castrales, ou des abbayes, par exemple. Les villes, où divers peuplements paroissiaux forment de nouveaux quartiers, s'ouvrent aux campagnes environnantes, mais se dotent de points forts, châteaux, portes, ponts. Le paysage caractéristique de la France médiévale voit le jour. La France d'Hugues Capet n'est plus uniquement centrée sur les pays du Nord de la Loire, comme elle l'était aux derniers temps carolingiens. Le nouveau roi est particulièrement attentif à la France méridionale, qui commence à jouer un rôle très actif dans le royaume.

Les habitants de la France de 1987 ont fait la découverte de ceux qui les ont précédés il y a plus de mille ans. Ils savent qu'ils en sont les héritiers, mesurent la distance, cherchent les constantes. La généalogie privée est devenue une mode : l'enquête des Français sur leur passé commun prend de plus en plus de force. Les grandes mutations vécues en France pendant les dernières décennies donnent vigueur à cette interrogation historique, parfois anxieuse, parfois confiante. Les réponses données en 1987 le furent le plus souvent dans la joie de la découverte : « Nous sommes donc aussi tout cela... »

Archéologie, archéométrie et histoire du xe siècle

Le paysage français se transforme au xe siècle. Le monde seigneurial élabore alors la motte, que les textes ne définissent totalement ni dans ses variétés, ni dans ses origines, ni dans sa fréquence. L archéologie de terrain est donc nécessaire. Enquête longue, coûteuse, difficile, qui exige de l'historien une formation particulière, une équipe, une attention constante aux nouvelles méthodes de datation. Celles-ci se nomment, en bloc, archéométrie. Elles sont le lien entre l'archéologie et l'histoire.

L'archéométrie s'est largement développée ces dernières années, adaptant volontairement à l'archéologie des techniques ayant de vastes applications. Dendrochronologie et usage du carbone 14 font de grands progrès, de même que l'ostéologie. Le laboratoire offre d'autres méthodes encore. L'archéomagnétisme, ou magnétisme thermorémanent, s'appuie sur l'existence de variations du champ magnétique terrestre au cours des siècles et sur l'aimantation thermorémanente des oxydes de fer. Une grille affinée des variations de l'archéomagnétisme au cours du xe siècle est en voie de réalisation au laboratoire de géophysique de Saint-Maur. La thermoluminescence et la gamma-thermoluminescence constituent un autre procédé qui permet de reconnaître et d'enregistrer les variations des rayonnements visibles et mesurables de certains cristaux irradiés comme le quartz des céramiques de fouille et du milieu environnant. Un laboratoire fonctionne à Bordeaux. La datation peut aussi se faire par accélérateur, c'est-à-dire par l'utilisation d'isotopes cosmo-géniques comme chronomètres, carbone 14 et bien d'autres, mieux adaptés aux datations médiévales. L'appareil de mesure, le Tandetron, fonctionne à Gif-sur-Yvette. Élaborée par des géophysiciens et des physiciens nucléaires, l'archéométrie doit être maîtrisée par des historiens qui sont de formation littéraire. Ainsi s'explique la lenteur de sa diffusion, mais plus encore ses coûts et la nécessité d'établir un large programme, inaccessible à un chercheur isolé. Mais c'est de l'archéométrie que l'archéologue attend des repères bien datés, qui font souvent défaut pour le xe siècle : techniques de construction, céramiques, voire monnaies de cette période sont encore trop mal connues pour représenter en fouille des éléments de datation, comme elles le font pour d'autres périodes de l'histoire.

L'archéologie des mottes attend beaucoup de l'archéométrie. Lancée par Michel de Boüard et par Jean-Marie Pesez, cette dernière est en plein développement. Constituées entièrement de terre rapportée ou utilisant soit des éperons rocheux retaillés soit des tertres naturels aménagés, les mottes impriment la marque de la puissance seigneuriale sur le pays environnant. Promontoire, fossé, constructions sommitales sont des constantes. L'église et le village sont souvent associés au château selon les formules les plus diverses. La construction fossoyée et emmottée se développe largement au xe siècle. Elle ordonne un nouveau paysage. L'enquête sur les mottes castrales (programme H 40 du CNRS) constitue actuellement le principal thème de recherche de l'archéologie pour cette période.

Actualité de la recherche sur le xe siècle : les principautés

Le xe siècle a été longtemps perçu par les historiens comme celui de la mise en place d'une féodalité, par ailleurs mal définie. L'identité de ce siècle est peu à peu restituée par les travaux récents. L'épanouissement des principautés constitue l'une de ses composantes majeures.