Ce dispositif de rationnement discriminatoire permit, certes, de limiter les fluctuations des taux d'intérêt, mais il n'évita pas à la France le handicap des taux nominaux relativement élevés. Jusqu'en 1986, ces taux d'intérêt ont excédé constamment le niveau de 10 p. 100, alors que, au Japon et en Allemagne, pays à monnaie forte et de faible inflation, ces taux sont demeurés dans la gamme de 5 à 10 p. 100. C'est qu'en effet seul un différentiel d'intérêts suffisant pour compenser les écarts d'inflation permet de limiter les mouvements de capitaux spéculatifs et de retarder la dévaluation ou la dépréciation de la devise du pays à monnaie réputée faible.

Depuis 1985, la politique monétaire française a inauguré une ère de réformes. Elles ne mettent en cause ni la stratégie de désinflation ni la fixation de normes de croissance des agrégats monétaires. En revanche, elles visent, par la suppression de l'encadrement direct du crédit, à inciter les banques à être beaucoup plus rigoureuses dans la sélection de leurs concours et à renforcer, par le développement de leurs fonds permanents, leur propre autonomie. Ces réformes vont nous rapprocher, en 1987, des régimes de régulation monétaire par le taux d'intérêt et la variation des réserves obligatoires des pays anglo-saxons.

La consolidation

Comme on le voit, la désinflation amorcée depuis 1980 n'est qu'en partie le produit des résolutions affichées au plan monétaire et budgétaire. Pour le reste, elle est le fruit d'un heureux concours de circonstances particulier aux relations entre les États-Unis et les autres pays occidentaux. Dans les années 1983 à 1986, d'autres facteurs plus décisifs sont venus, en se relayant et en se complétant, consolider la désinflation en Europe, et spécialement en France. Retenons pour notre pays et dans l'ordre chronologique : – le ralentissement de la hausse des salaires et des coûts salariaux intervenu à la fin 1982 ; – la chute des prix du pétrole amorcée dès le début de 1983 ; – la chute des prix en dollars des matières premières importées dès le printemps 1984 ; – plus généralement, le rôle désinflationniste d'un commerce international qui croît en moyenne plus vite que les produits nationaux et porte sur des produits manufacturés avantagés par les économies d'échelle.

Le premier de ces phénomènes mérite attention, car la hausse des salaires a été modérée à la suite des modifications des règles du jeu intervenues dans les négociations salariales introduites par M. Jacques Delors.

Jusqu'alors, les revendications de salaires portaient si possible sur l'augmentation du pouvoir d'achat de ceux-ci et au minimum sur leur maintien en fonction de l'inflation observée au cours de l'année écoulée. Le gouvernement dénonça la nocivité de cette pratique, car son résultat le plus clair était de perpétuer les pressions inflationnistes. Il recommanda et appliqua la règle selon laquelle la hausse des salaires devait se limiter en moyenne au taux d'inflation annoncé comme l'objectif souhaité par le gouvernement pour l'année à venir. L'augmentation du taux de salaire brut qui s'élevait encore de 15 p. 100 en 1982, 11 p. 100 en 1983, chuta à 7,6 puis 5,9 p. 100, respectivement en 1984 et 1985. Et, compte tenu des gains de productivité du travail, la progression du coût salarial par unité produite se ralentit à partir de l'automne 1983. Enfin, la baisse du pétrole et celle du dollar constituent des causes extérieures. Renforcées en 1986, elles ne se reproduiront pas, ou peu, en 1987.

La désinflation s'est poursuivie en 1986. La France a vécu là une période d'exceptionnelle facilité. Elle a profité à plein, comme les importateurs de pétrole et de matières premières, de la double diminution du prix du baril de pétrole (de l'ordre de 50 p. 100) et du cours du dollar (de l'ordre de 30 p. 100). La France économisa ainsi 75 milliards de francs sur sa facture pétrolière, et plus généralement un montant équivalent à 3 p. 100 du PIB (environ 125 milliards de francs), par suite de l'amélioration de ces termes de l'échange, c'est-à-dire par suite de la hausse du prix relatif de ses exportations par rapport à ses importations.