Dans un domaine plus commercial, le diptyque de Claude Berri inspiré de Marcel Pagnol (Jean de Florette et Manon des sources) se tient très bien. Cela ne peut que nous réjouir, car il s'agit, malgré quelques longueurs, d'un projet estimable.

Si les États-Unis continuent à produire des œuvres bellicistes et réactionnaires comme Rambo II : la mission, de George Pan Cosmato, avec Sylvester Stallone, ils financent aussi des films comme Salvador, d'Oliver Stone, une superproduction, en Dolby stéréo, qui condamne, l'intervention des services secrets américains dans cette partie du monde.

La confection de films pour adolescents se poursuit. Mais, Steven Spielberg, grand spécialiste du genre, nous a agréablement surpris avec sa Couleur pourpre, qui nous trace, sur trente ans, du début du siècle à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la dure vie d'une femme noire opprimée par son mari. Certains reprochent au cinéaste de véhiculer de « vieux clichés » sur les Noirs, d'autres le remercient pour avoir donné du travail à un grand nombre d'acteurs de couleur. Le film nous paraît, en tout cas, supérieur à Autour de minuit, de Bertrand Tavernier. Un cinéaste américain, même commercial, est, en principe, mieux apte à saisir la sensibilité des Noirs de son pays qu'un de ses homologues français. Le succès public de ces films a entraîné la sortie d'une œuvre réalisée par un jeune Noir new-yorkais, Nola Darling n'en fait qu'à sa tête, de Spike Lee.

L'effort de sensibilisation entrepris pour faire connaître toutes sortes de cinématographies, comme celles du tiers-monde, et de genres marginalisés, comme le cinéma expérimental, semble porter ses fruits. Black mic-mac, de Thomas Gilou, une comédie sur les rapports difficiles entre Français et Africains, s'est assuré un nombre d'entrées non négligeables lors de sa sortie. Black mic-mac fut précédé par les films malien (le Médecin de Gafiré, de Mustapha Diop) et sénégalais (Touki-Bouki, de Djibril Diop-Mambety, qui date de 1973 !) et suivi de Sarraounia, une coproduction de l'auteur, le Mauritanien Med Hondo, avec le Burkina Faso.

La promotion de ces films difficiles est assurée en France par des festivals comme ceux d'Amiens, de Nantes, de Douarnenez, de La Rochelle, de Belfort, de Strasbourg... et relayée en diffusion commerciale par des distributeurs indépendants, Pari-Films, Lasa Films, Films sans frontières, Dopa, les Films de l'Atalante, les Films Cosmos, Forum distribution, les Films singuliers, la Médiathèque des Trois Mondes, Utopia, Action, etc., qui travaillent parfois dans des conditions financières très difficiles. Ces entreprises sont secondées par des attachés de presse cinéphiles comme Simon Misrahi, Fabienne Ferreira, Françoise Landesque, Chantai Poupaud, Florence Bory, Philippe Laurenceau, Nicole Lambert... qui personnalisent les rapports entre journalistes et films ambitieux.

L'automne 1986 fut marqué par un regain pour le cinéma soviétique. Il y a deux raisons à cela. Les événements qui se sont produits là-bas : remplacement des bureaucrates par des metteurs en scène à la tête de l'Union des cinéastes ; et, aussi, le cas d'Alexei Guerman. Ce cinéaste avait vu tous ses films (considérés comme insuffisamment héroïques) bloqués par la censure : la Vérification, (1971), Vingt Jours sans guerre (1976) et Mon ami Ivan Lapchine (1982). Un courageux distributeur, sort, au printemps, Vingt Jours sans guerre, suivi, à la rentrée, par les deux autres films. Entre-temps, le festival de La Rochelle avait présenté ces films dans sa dernière édition. La sortie, début décembre, de la Légende de la forteresse de Souram, de Serguei Paradjanov, le cinéaste géorgien d'origine arménienne, qui avait été incarcéré dans les années 1970 sous l'inculpation de « trafic d'objets d'art et homosexualité », remet le cinéma soviétique sur le devant de la scène artistique. Cet assouplissement correspond-il à un dégel politique ? Beaucoup ne le pensent pas. Trop tard, quoi qu'il en soit, pour Tarkovski, mort le 29 décembre.