Pour les chercheurs et les techniciens, l'accident de Tchernobyl est ressenti comme un choc brutal. Depuis plus de trente ans, ils travaillaient à faire de l'énergie nucléaire la source d'énergie la plus fiable, la plus sûre, la moins polluante. Et ils pouvaient estimer être tout près du but. L'accident de Three Miles Island (Pennsylvanie), du 28 mars 1979 – catastrophe financière pour la société propriétaire –, avait démontré l'efficacité des moyens de protection du personnel de la centrale et de la population. Au moment de l'accident de Tchernobyl, il y avait en exploitation près de 400 unités électronucléaires réparties dans 26 pays, représentant au total une expérience de plus de 4 000 années de fonctionnement de réacteurs.

Depuis le 26 avril 1986, de nombreuses discussions ont eu lieu dans le cadre de la presse, de la radio et de la télévision, comme à l'occasion de réunions de spécialistes, sur l'étendue et les conséquences réelles de l'accident de Tchernobyl dont l'ampleur est progressivement dévoilée, ainsi que sur les enseignements qui doivent en être tirés pour l'avenir.

Mais le sujet est complexe. Pour suivre ces débats, il faut disposer d'un fil conducteur. Ce fil conducteur, c'est la réponse à deux questions essentielles :
– quels sont les risques présentés par le fonctionnement d'une centrale nucléaire ?
– quelles sont les mesures mises en œuvre pour se protéger de ces risques ? En d'autres termes, quels sont les objectifs et les moyens de ce que l'on appelle la sûreté nucléaire appliquée aux centrales ?

Réacteurs nucléaires et rayonnements ionisants

Les risques spécifiques de l'utilisation de l'énergie nucléaire sont liés aux dommages que les rayonnements ionisants peuvent provoquer dans la matière vivante. Être protégé de ces risques, c'est le fait de la sûreté nucléaire. Selon la définition officielle, la sûreté nucléaire est la protection des personnes et de l'environnement naturel contre les risques présentés, du fait des rayonnements ionisants, par les installations où sont produites, transformées, mises en œuvre ou stockées des substances radioactives. C'est aussi l'ensemble des dispositions prises à cet effet.

En cas d'irradiation externe, le rayonnement α est arrêté par la peau, le rayonnement β ne va pas au-delà du derme, le rayonnement γ pénètre dans tout le corps.

Les limites annuelles admissibles pour l'organisme entier sont les suivantes :
– personnels d'une installation nucléaire en zone contrôlée : 5 rems ; en zone non contrôlée : 1,5 rem ;
– personnes du public : 0,5 rem. Ces limites sont différentes parce que tout le personnel professionnel bénéficie d'une surveillance médicale systématique et que le personnel travaillant en zone contrôlée est suivi techniquement et médicalement ;
– pour les femmes enceintes ainsi que pour les jeunes enfants, les limites sont plus basses, car les cellules des embryons et des enfants sont particulièrement sensibles à l'irradiation. À titre de comparaison, dans le cas d'une irradiation brutale et totale du corps, des troubles organiques se manifestent à partir d'une dose d'environ 50 rems. Il y a danger de mort quand la dose atteint 500 rems.

Dans le cas de contamination interne les corps radioactifs s'accumulent dans des organes différents, l'iode 131 dans la glande thyroïde, le strontium 90 dans la moelle osseuse, le césium 137 dans les muscles et le foie. Une contamination importante peut se traduire par l'apparition d'un cancer à plus ou moins longue échéance. La réglementation précise quelles sont les activités limites admissibles de l'air, de l'eau, du lait et des produits de consommation en les exprimant, selon les cas, en curies ou en becquerels par mètre cube, par litre ou par kilogramme.

Les activités maximales admissibles des effluents gazeux et liquides rejetés annuellement par les installations nucléaires sont également fixées de façon à respecter, en tout état de cause, les normes de radioprotection bien définies applicables à la population et à l'environnement.

Les normes de radioprotection

Les rayonnements produits dans les réacteurs sont directement ionisants car ils libèrent des charges électriques dans la matière qu'ils irradient et peuvent entraîner des lésions des éléments constitutifs des cellules. Il en résulte, pour celles-ci, des dommages que l'organisme est plus ou moins capable de réparer.