On sait évaluer, pour différents rayonnements ionisants et en fonction de leur nature et de leur énergie, les dommages qu'ils causent aux organismes

Ces évaluations sont fondées sur la quantité d'énergie absorbée par un milieu irradié ou dose absorbée. L'unité de dose absorbée est le gray (Gy), qui vaut un joule par kilogramme. En pratique on continue d'utiliser une unité définie depuis plusieurs décennies, le rad, qui vaut 1/100 de gray.

L'effet biologique d'une dose absorbée varie suivant la nature du rayonnement et son énergie. Ainsi les neutrons ont une efficacité biologique plus grande que le rayonnement γ. Aussi caractérise-t-on l'effet biologique d'une irradiation par une grandeur particulière, l'équivalent de dose. L'unité d'équivalent de dose est le sievert (Sv) mais, ici encore, on continue d'utiliser l'ancienne unité, le rem, qui vaut 1/100 de sievert.

L'irradiation des tissus vivants peut être le résultat, soit de l'exposition d'une portion plus ou moins étendue du corps à une source de rayonnement extérieur, soit de l'inhalation de nucléides radioactifs présents, par exemple, dans l'atmosphère. L'irradiation peut donc être externe ou interne. On parle de contamination externe lorsque les corps radioactifs sont déposés sur la peau et de contamination interne lorsqu'ils ont pénétré dans l'organisme.

Les effets des rayonnements ionisants ont fait l'objet d'études qui ont permis de définir les normes générales de radioprotection et d'en déduire celles qui s'appliquent en particulier à l'exploitation des centrales électronucléaires.

La doctrine et les normes de radioprotection sont élaborées dans un contexte international. A cet égard, il faut mentionner le rôle capital de la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) qui regroupe des spécialistes dont la compétence est mondialement reconnue.

La CIPR a posé en principe que les limites des doses acceptables doivent être déterminées de façon que les risques entraînés par l'exposition aux rayonnements ne dépassent pas :
– pour les travailleurs de l'énergie nucléaire, ceux qui sont acceptés dans la plupart des activités industrielles ou scientifiques présentant un niveau de sécurité élevé,
– pour les personnes du public, ceux qui sont habituellement acceptés dans la vie courante (Il faut savoir que l'homme vit dans une ambiance de rayonnements ionisants naturels ou liés aux activités humaines. Au total, l'Européen reçoit en moyenne une dose comprise entre 100 et 600 millirems par an.).

On ne joue pas avec un réacteur

À l'époque de l'accident, la centrale de Tchernobyl comprenait quatre unités – ou tranches – de 1 000 mégawatts chacune, en exploitation respectivement depuis 1977, 1978, 1981 et 1983, et deux unités de même puissance en construction. Ces unités étaient toutes du type RBMK, sigle formé avec les initiales des mots russes signifiant réacteur, grande puissance, canal. Les centrales de ce type sont équipées de réacteurs à eau bouillante, ce qui veut dire que le fluide de refroidissement est de l'eau ordinaire qui, portée à l'ébullition dans le coeur, produit ainsi de la vapeur envoyée directement aux turbines. Dans ces réacteurs, le graphite joue le rôle de modérateur, l'eau servant de caloporteur.

Les informations communiquées par les autorités soviétiques, et notamment le volumineux rapport adressé en août à l'Agence internationale de l'énergie atomique de Vienne, complétées par le compte rendu des réunions tenues à Vienne du 25 au 29 août, ont permis de reconstituer la suite des événements qui ont précédé l'accident.

Dans la nuit du 25 au 26 avril 1986, l'équipe de conduite de la tranche no 4 de la centrale avait pour tâche de réaliser un essai destiné à préciser certaines caractéristiques de fonctionnement de l'installation immédiatement après un arrêt du réacteur. On peut résumer la façon dont, en fait, l'expérimentation a été menée en disant que le programme de l'essai n'a pas été suivi et que les procédures réglementaires d'exploitation n'ont pas été respectées. Bien plus, comme le personnel chargé de l'essai était gêné par l'existence de certains systèmes de sécurité automatiques, il les a purement et simplement mis hors d'état de fonctionner. En particulier, il a rendu inopérant le système automatique d'arrêt d'urgence. En outre, pour tenter d'amener le réacteur à la puissance prévue pour l'essai, il a fait remonter – c'est-à-dire qu'il a extrait du cœur – un nombre de barres beaucoup plus grand que ce qui était autorisé. Dans ces conditions, des causes d'instabilité de la puissance sont apparues. Alors que le réacteur fonctionnait à 200 mégawatts, une petite augmentation de puissance a provoqué en quelques secondes (et malgré une tentative de commande manuelle de l'arrêt d'urgence) une montée rapide et considérable de celle-ci. Selon les experts soviétiques, la puissance du réacteur a atteint 100 fois sa valeur en fonctionnement normal, ce qui a provoqué la fusion du combustible, la vaporisation explosive de l'eau et la dislocation du cœur. En outre, la température très élevée a amorcé la combustion des blocs de graphite et allumé l'incendie.