L'itinéraire d'un jeune chorégraphe « contemporain » est une longue marche sur un chemin non balisé, sans codes ni repères, où seuls réussissent finalement les vrais créateurs, ceux qui ont quelque chose à dire et un style personnel pour le dire. La consécration de Jean-Claude Gallotta en est l'exemple parfait. Yvan Vaffan, monté à la maison de la culture de Grenoble en mars dernier, est l'aboutissement de dix ans de recherches et de réflexions. Il y a adéquation totale entre le propos et le langage. Inventif et truculent, Gallotta raconte, sous forme d'un vaste trompe-l'œil, l'histoire de l'humanité. Les décors, les costumes, les événements constituent un immense brassage de notre fond culturel, réinvesti par la tribu des Vaffan, dont la saga doit se poursuivre dans de futurs ouvrages (création de Mamkam en 1985).

Marcelle Michel

Musique

L'attrait des maîtres

On ne saura jamais si les Français sont ou ne sont pas musiciens, mais il est certain qu'ils consomment de la musique en grande quantité. Les concerts font le plein et se multiplient. Comme c'est le cas à l'Opéra, le star-système règne sur les estrades.

Isaac Stem et Yehudi Menuhin restent parmi les violonistes favoris : l'Orchestre de Paris les invite tous deux et Menuhin sort des concertos rebattus en imposant celui d'Elgar. Les amateurs de musique de chambre font fête aux Juilliard ainsi qu'à toute la série de quatuors offerte par le Théâtre du Rond-Point. Mais ce sont, comme toujours, les pianistes qui mènent le jeu. Super-vedettes : Claudio Arrau, Maurizio Pollini, Alfred Brendel dans Mozart, accompagné par Neville Marriner, mais aussi partenaire de Dietrich Fischer Dieskau pour le Voyage d'Hiver, Martha Argerich et Murray Perahia, ainsi qu'Ivo Pogorelich, météore lancé en 1983 — tandis qu'Arturo Benedetti-Michelangeli fait durer jusqu'au dernier moment son habituel suspense.

Un retour après une longue maladie, celui de la merveilleuse mozartienne Maria Joao Pires. L'école française se porte bien, que ce soit avec ses vétérans, Magda Tagliaferro et Yvonne Lefébure, ou avec ses jeunes loups, Michel Béroff, François René Duchable, Brigitte Engerer et le dernier en date, et non le moindre, Pierre Alain Volondat.

Le national à cinquante ans

Vingt-cinq ans pour l'Academy of St. Martin in the Fields. Quinze ans pour l'Orchestre national de Lyon que dirige, depuis 1969, Serge Baudo : 900 abonnés à sa création ; 7 500 cette année. De nombreuses tournées, dont une en Chine. Et un somptueux concert d'anniversaire, avec la première audition en France de la dernière œuvre de Rolf Liebermann, Liaison, dont les solistes étaient le pianiste Michael Rudy et le violoncelliste Siegfried Palm. Les orchestres sont à l'honneur.

Mais l'attention s'est tournée avant tout vers l'Orchestre national, fondé il y a tout juste cinquante ans, à l'initiative de Jean Mistler. Alors Orchestre national de la radiodiffusion française, il eut d'abord comme premier maître Désiré Émile Inghelbrecht, assisté d'Eugène Bigot, Roger Désormière et Manuel Rosenthal. Après la guerre, c'est Charles Munch qui en est l'âme, mais les invités illustres se succèdent : Paul Kletzki, Georges Sebastian, Carl Schuricht, Hermann Scherchen, André Cluytens, Jascha Horenstein, Hans Rosbaud, Sergiu Celibidache, Igor Stravinsky. De 1968 à 1973, un dernier chef permanent règne sur ses destinées, Jean Martinon, avant le retour au système des chefs invités, Lorin Maazel en tête, avec lequel, le 17 février, le National inaugure le palais omnisports de Bercy. Au programme, le Requiem de Berlioz. La saison 1984-85 bénéficie des présences de Eliahu Inbal, Vaclav Neumann et Riccardo Muti. Sous la baguette d'Elgar Howarth, le National crée trois commandes de Radio France : Nadira de Philippe Capdenat, la Cloche fêlée de Michael Lévinas et Pouf de Marc Monnet.

L'actualité orchestrale

Du côté des orchestres, c'est la même débauche, la même fringale. Depuis le 1er janvier, France Musique émet 24 h sur 24. Le Nouvel Orchestre philharmonique donne en janvier son premier concert avec son nouveau chef permanent, Marek Janowski. L'Orchestre de Paris invite Eugène Jochum, Christoph von Dohnanyi, Giuseppe Sinopoli et même Hans Werner Henze. On sait enfin que le mandat de l'actuel directeur, Daniel Barenboïm, est renouvelé ; les musiciens le plébiscitent et les résultats sont là, malgré un clinquant Requiem de Verdi, que même Pavarotti ne parvient pas à sauver, et d'inégales Noces de Figaro au cours du festival Mozart. Barenboïm bénéficie, cette année, d'un chef associé, Claude Bardon ; Charles Munch l'avait engagé comme premier violon en 1967 et, depuis, il a fait son chemin avec talent et pondération.