C'est, à quelque distance de là, sur la côte d'Afrique que se situe le roman de Tahar Djaout, les Chercheurs d'os.

Un adolescent algérien d'aujourd'hui est envoyé par sa famille à l'autre bout du pays pour y retrouver les restes de son frère aîné, mort pendant la guerre ; et il reviendra avec les ossements du disparu brinquebalant dans un sac sur le dos de son âne. C'est la découverte d'un pays, la découverte du monde avec ses grandeurs et ses sottes convoitises, la découverte de la vie. De ce sujet l'auteur a tiré un court roman écrit dans la langue d'un homme qui est visiblement l'héritier de deux cultures, la française et l'arabe, et son talent lui a valu d'être distingué par le comité de la bourse Simone et Cino Del Duca. C'est une belle illustration pour un pays nouveau de la vieille devise barrésienne « la terre et les morts ».

Robert Kanters

L'année Diderot

Qui ne connaît l'auteur de la Religieuse, du Neveu de Rameau et de Jacques le fataliste ? Mais on ignore souvent que Denis Diderot, bon vivant et plein de vitalité, fut aussi homme de théâtre, mathématicien, musicien, pédagogue et critique d'art. Sa philosophie oscille sans cesse entre la sensibilité et la raison. Ses idées contre l'esclavage et la monarchie de droit divin le font apparaître comme un précurseur de la démocratie moderne. Ses attaques contre le christianisme et ses prises de position matérialistes — en particulier dans les Pensées philosophiques et la Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui y voient — lui vaudront même d'être incarcéré à Vincennes en 1749.

Mais son œuvre la plus révolutionnaire est l'Encyclopédie.

Diderot avait, en effet, pour objectif d'accroître les connaissances et de les faire partager à tous. Non seulement aux intellectuels de son entourage, mais aussi aux petits bourgeois et aux gens du peuple. Et, ce faisant, il était, à son époque, doublement subversif. D'abord, parce que faire connaître, c'est rendre moins dépendant, plus critique, donc plus libre : c'est affranchir dans tous les sens du terme. Ensuite, parce qu'en s'intéressant à la technique (il allait lui-même visiter les ateliers) Diderot revalorise le travail manuel, bat en brèche les corporatismes, décloisonne, bref, bouleverse l'ordre établi. L'Encyclopédie, pour laquelle il se dépensa sans compter pendant près de trente ans (1750-1772), se faisant tour à tour animateur et coordonnateur de l'équipe rédactionnelle, auteur de nombreux articles et correcteur, vise donc à changer les mentalités.

En dépit de tous les obstacles (elle fut interdite à deux reprises en 1752 et 1758 à l'instigation des jésuites) et après maintes péripéties, l'Encyclopédie paraîtra dans son intégralité en 1772. Pari gagné donc pour Diderot. Mission accomplie... à travers les siècles, puisque le principe demeure, et qu'aujourd'hui l'Encyclopédie renaît.

À l'occasion du bicentenaire de la mort de Diderot, célébré tout au long de l'année par de nombreux citoyens dans le monde entier, le ministère de l'Industrie et de la Recherche a décidé de réaliser une nouvelle encyclopédie des sciences et des techniques. Destinée à présenter « la science en mouvement », elle s'adressera à des publics variés : du chercheur à l'homme de la rue, en passant par l'ingénieur, le technicien et tous les acteurs du monde industriel. Elle combinera les possibilités actuelles de la télématique et de l'édition et offrira à ses utilisateurs une multiplicité d'accès (emploi conjugué de fascicules reliables et du terminal d'ordinateur, bibliothèque de logiciels, banque de données) à une information constamment mise à jour.

L'anniversaire de la mort de Diderot a été célébré, tout au long de l'année 1984, par de très nombreux colloques dans le monde entier.

Michaela Bobasch

Lettres étrangères

L'appel de l'Est

Le roman étranger continue à bien se porter : plus d'une centaine d'œuvres ont été traduites en 1984. Toutefois, par rapport à 1983, la distribution des cartes est différente. L'Europe centrale domine, devançant les États-Unis. L'empire austro-hongrois fascine de plus en plus par son éclat, mais aussi par son déclin. La littérature latino-américaine, après le boom des années 70, cherche un second souffle, talonnée de près par le roman russe, essentiellement celui de l'après-dissidence.