Entre la démagogie et la résignation, la marge de manœuvre de chaque confédération est restée bien étroite. Pour la CGT, sa stratégie est partie d'un refus du dilemme suivant : « Ou bien on accepte sans broncher, ou bien on déclare la guerre. » Ce faisant, Henri Krasucki a soigneusement évité toute épreuve de force avec le gouvernement ». Ainsi, début février, en plein conflit Citroën-Aulnay, le secrétaire de la CGT soulignait que l'histoire ne retiendrait, de la première semaine du mois, que l'accord sur la retraite à 60 ans. Ainsi déclarait-il à la fin avril que « les travailleurs sont capables de se mobiliser pour un effort dynamique dès lors que les buts et les moyens sont justes et leur conviennent ». Tout en répétant ses « désaccords », la centrale cégétiste s'est efforcée de prendre comme cible privilégiée le patronat et la droite.

Edmond Maire, pour sa part, a évité tout au long de l'année les coups de colère qu'il avait eus en 1982, n'hésitant pas le 7 septembre, après une entrevue avec le chef de l'État — en pleine campagne électorale pour la Sécurité sociale — à dire, à propos des mesures fiscales contenues dans le projet de loi de finances 1984 : « Les choses vont dans le bon sens. » Inquiet sur les risques de montée du chômage, il a surtout voulu corriger les mesures d'accompagnement de la rigueur. « Le socialisme, déclare-t-il au Monde le 25 août, n'est pas un taux de croissance mais une manière de vivre. » Cependant, à la mi-décembre, le secrétaire général de la CFDT fait une déclaration très dure concernant la politique industrielle suivie par le gouvernement. Il met en avant « l'angoisse croissante des salariés », « les tensions sociales » et demande que la concertation avec les salariés et les syndicats reprenne. Cette attaque de la politique gouvernementale confirme la réorientation approuvée par la CFDT toujours partisane de l'autogestion, après son échec spectaculaire aux élections de la Sécurité sociale. Une logique opposée à celle d'Henri Krasucki, qui, le 8 septembre, dans son discours de rentrée, estime que c'est sur les moyens nécessaires pour développer l'industrie et relancer la production que « se joue le sort d'une politique de gauche ».

FO, pour sa part (et il en est de même pour la CFTC), multiplie les avertissements, comme naguère sous Raymond Barre, sur les risques de tensions sociales mais ne bascule à aucun moment dans une opposition ouverte et politique. En revanche, la CGC demande le départ de Pierre Mauroy de Matignon. Si elle réussit totalement (un succès de masse) sa manifestation parisienne du 3 octobre, elle ne peut éviter de se faire déborder par ses propres sympathisants, qui crient : « Mitterrand, fous le camp ! »

Hospitalité
Remise en cause

« Gastarbeutern raus ! », « Keep Britain white », « La France aux Français ». Les murs des grandes villes européennes portent les marques d'un racisme exacerbé par une longue crise économique et son principal corollaire, le chômage. L'Hexagone n'est pas épargné par cette épidémie des temps difficiles. L'élection municipale de Dreux — pour ne prendre que cet exemple — s'est même jouée sur cette question de la population étrangère.

La France est l'un des pays occidentaux qui a fait le plus appel à des travailleurs immigrés (4,5 millions environ). C'est la communauté portugaise qui occupe la première place, avec 866 595 ressortissants. Viennent ensuite les Algériens (805 355), les Italiens (492 669), les Marocains (441 042), les Espagnols (395 364), les Tunisiens (212 909), les Turcs (135 049), les Yougoslaves (68 316).

La population étrangère représente 8 % de la population française totale. Contrairement aux apparences et aux déclarations de certains, ce pourcentage n'a guère varié ces dernières années. Mais il ne fait aucun doute que la mauvaise santé de l'économie française et la progression du chômage — qui, d'ailleurs, n'épargne guère les immigrés — ont obligé les pouvoirs publics à durcir leur politique en la matière et à préférer le réalisme au libéralisme. En 1983, le gouvernement Mauroy s'est donc efforcé de limiter le nombre de nouveaux arrivants et de renvoyer dans leur pays les étrangers en situation irrégulière.