L'architecte sino-américain I. M. Pei, 66 ans, auteur notamment de la nouvelle aile de la National Gallery à Washington, est chargé de cette étude. Pour ce fils de lettrés chinois, né à Canton mais installé, depuis ses années d'études, aux États-Unis, il faut, une fois retrouvée, avec le départ du ministère, la symétrie du palais, « le rendre compact, sans parcours interminables ; avec en outre un cœur généreux et excitant ». Une seule solution, pour préserver le monument : creuser le centre d'accueil sous la cour Napoléon ; 26 000 mètres carrés, qui abriteront bibliothèque, vidéothèque, informatique, plusieurs restaurants, etc. Indispensable aussi de ménager des cheminements confortables, des circulations verticales, des parcours « à plusieurs vitesses ». Un vaste parking est également à l'étude. Les sondages ont commencé pour voir jusqu'à quelle profondeur le sous-sol autorise à creuser...

Mais sans attendre, dans la cour Carrée, on remet à jour les vestiges du Donjon et de la crypte de Philippe Auguste. Tout sera, annonce-t-on, prêt, fin 1985.

L'Opéra de la Bastille

Après un long suspense — six finalistes, puis trois, puis un seul —, on connaît enfin le lauréat d'un concours international qui a regroupé quelque 744 concurrents.

C'est Carlos Ott, 37 ans, un architecte canadien, né en Uruguay. Inconnu du grand public et des chapelles, ce n'est pourtant pas un débutant. Après son diplôme, obtenu à Montevideo, il poursuit ses études à l'université de Washington, où il s'inscrit à la fois en architecture et en urbanisme. En 1975, architecte associé d'une agence de Toronto, il gagne le concours d'extension du plus grand musée du Canada. Avec quatre autres partenaires, il dirige actuellement une agence de 150 personnes et pilote la réalisation d'un aéroport à Katmandou et celle de l'ambassade canadienne à Lagos, sans oublier deux tours de bureaux au Canada.

Mais c'est tout seul qu'il a, durant ses heures de loisirs, élaboré en trois mois le projet lauréat. Avec, chez ce latin d'origine, une efficacité toute nord-américaine. Voulant éviter un bâtiment massif, il a composé un puzzle géant et multiforme, en trois dimensions pour abriter les différentes fonctions du bâtiment : une salle de 2 700 places et une autre modulable, les ateliers et les magasins, les équipements audiovisuels et les halls d'accueil, etc. Pour mieux souligner qu'il s'agit d'une « maison » de l'opéra plus que d'un monument, il a recherché au maximum les transparences et les vitrages qui permettent le dialogue avec la ville ; de même qu'il s'est soucié de la continuité des trottoirs.

Portraits
Johan Otto Von Spreckelsen : un bâtisseur de cathédrales

Unanimement salué par les critiques et les architectes — c'est assez rare pour être signalé —, le projet lauréat du concours international Tête-Défense est l'œuvre d'un universitaire, le Danois Johan Otto Von Spreckelsen, 54 ans. Professeur à l'École d'architecture de l'Académie royale des beaux-arts de Copenhague, dont il est diplômé, il a été à deux reprises attaché à des universités étrangères. Tant à l'étranger qu'au Danemark, il a effectué des études de planification et d'aménagement du territoire. Ses travaux concernent notamment l'industrie agricole et alimentaire, mais aussi le tourisme et le logement de la population locale. Le professeur Spreckelsen a d'autre part formulé des propositions d'idées pour l'implantation d'agglomérations urbaines en pleine campagne, ainsi que des projets de rénovation de quartiers anciens qui ont donné lieu à des réalisations partielles d'habitations et d'équipements socioculturels. À ce titre, il a remporté le premier prix du concours du Fonds national pour l'art danois (en 1967) et le premier prix d'un concours nordique (en 1971) ; les sujets portaient sur des projets d'urbanisations nouvelles. Jusqu'à maintenant, il a lui-même construit quatre églises — « c'est un pur hasard », explique-t-il — et sa propre maison. Entré en religion écologique, cet élégant bâtisseur de cathédrales, le plus souvent chaussé de sabots suédois, se veut à l'écart des agitations du monde. Son projet Tête-Défense, évident et serein, classiquement moderne, est à son image. Un chantier de la taille de celui qu'il entreprend à la Défense risque toutefois de mettre à rude épreuve sa sagesse et sa réserve toute nordique !

Bernard Tschumi : maître d'œuvre de La Villette

À 39 ans, Bernard Tschumi a pour la première fois, en remportant le concours du parc de La Villette, l'occasion de construire, en dur et en vrai. Jusque-là, ce jeune professeur, enseignant à New York (Cooper Union et Princeton University) se définissait lui-même, avant tout comme un théoricien « formalo-polémiste », amateur de recherche architecturale pure, plutôt que de réalisations concrètes. Franco-Suisse, né à Lausanne, fils de l'architecte Jean Tschumi, il a commencé ses études à Zurich et les a poursuivies à l'École des beaux-arts à Paris (en 1968). Installé depuis 1976 à New York, mais passant tous les étés à Paris, voici dorénavant, pour cinq ans au moins, cet universitaire convaincu aux prises avec des travaux pratiques d'envergure ! Jusque-là, il vivait de ses cours, de sa plume (articles et manifestes tels The Manhattan transcripts) et de ses dessins d'architecture (vendus dans des galeries new-yorkaises spécialisées). De temps à autre, une bourse de la Fondation nationale des arts de New York lui permettait en outre de mener à bien ses expériences de constructions « éphémères et polémiques » — qu'il appelle déjà des « folies », — plantées en pleine rue et pour quelques mois, à New York, Londres ou Toronto. À ses yeux, l'architecture n'est qu'une facette, indissociable, de la culture. En revanche, il se refuse dans ses constructions à toutes anecdotes historicistes, simples citations de thèmes architecturaux surannés. De même, il nie que la fonction doive nécessairement engendrer la forme.

Catherine Bergeron

Art

Peinture

Le foisonnement

Tandis que le grand public parisien se presse à l'exposition consacrée à Manet au Grand Palais, l'art contemporain vit l'une des expériences les plus stimulantes qu'il ait connues depuis l'ouverture, en 1977, du Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou.