Après quinze années de vains efforts pour isoler des quarks, les physiciens se sont résignés à imaginer une propriété de confinement — encore mal comprise — qui les empêcherait d'exister autrement qu'à l'état lié. Il en serait de même des gluons. Prédites par une théorie maintenant assise sur beaucoup de faits, ces particules semblent ne se laisser saisir qu'indirectement, grâce à des effets expérimentaux qui s'expliquent bien par leur existence.

Confinement

Quand un électron rencontre son antiparticule, le positon, il peut y avoir annihilation réciproque, les masses se transformant en énergie sous forme de photons. Mais, pour certains niveaux d'énergie, on observe au contraire la matérialisation de l'énergie de collision, avec formation de particules appartenant, comme les protons et les neutrons, à la classe des hadrons (sensibles à l'interaction forte) et composées de paires quark-antiquark. Deux jets de hadrons partent du point de collision en sens opposés.

Des calculs fondés sur la QCD prévoient qu'en élevant l'énergie de collision on doit obtenir un élargissement des deux jets hadroniques, et finalement la fragmentation de l'un d'eux en deux jets distincts. C'est ce phénomène — attribué à l'émission, par un des quarks, d'un gluon très énergétique, engendrant lui-même des hadrons — qui a été effectivement observé à Petra, avec des énergies de 30 GeV, et annoncé au cours de deux conférences internationales de physique, réunies en 1979, l'une en juin-juillet à Genève, l'autre en août à Chicago.

Cette interprétation des données acquises ne fait pourtant pas l'unanimité, car d'autres explications restent concevables, toujours dans le cadre de la QCD. Certains physiciens s'étonnent que la découverte du gluon ait été proclamée à grand bruit par des physiciens américains, alors que les expériences ont été réalisées en Europe par des équipes internationales.

Contestations

Les Européens semblent plus prudents dans la publicité donnée à leurs résultats quand ceux-ci n'ont pas un caractère définitif. Divers résultats obtenus dans le même temps au CERN ont été annoncés avec plus de discrétion, bien que l'un d'eux — la détection de paires de mésons issues d'interactions quark-antiquark dans des collisions entre hadrons — aille aussi dans le sens d'une mise en évidence du gluon. Mais des mesures complémentaires sont en cours pour vérifier cette interprétation. De même, l'émission de gluons lors des collisions électron-positon, qui demeure l'hypothèse la plus probable, pourrait être confirmée lorsque l'anneau Petra atteindra, très prochainement, sa puissance maximale, avec des collisions de 38 GeV.

Un certain sensationnalisme a également été ressenti lors de l'annonce par la NASA, le 17 octobre 1979, que des chercheurs américains « venaient de découvrir, pour la première fois, la preuve de l'existence d'antimatière dans l'Univers ». L'existence d'antiparticules dans la stratosphère n'a rien d'imprévu. En rencontrant au hasard de la matière interstellaire, le rayonnement cosmique de très haute énergie peut créer des couples proton-antiproton, par matérialisation de l'énergie de collision. C'est le processus couramment utilisé dans les laboratoires pour obtenir des antiparticules.

On pense qu'il y a dans l'espace environ 1 000 protons pour 1 antiproton, lequel se désintègre en atteignant l'atmosphère terrestre. À l'altitude où il en subsiste encore, on n'avait pas réussi à isoler des antiprotons dans le bruit de fond du rayonnement cosmique. Après plusieurs années de vains efforts, les chercheurs du Johnson Space Center ont finalement envoyé, à 36 000 m d'altitude, un ballon transportant 2 t d'instruments, dont un aimant supraconducteur qui a permis de détecter l'impact de 46 antiprotons, distingués des protons par leur déviation en sens contraire dans le champ magnétique.

Ce succès de la technologie atteste des effets prévisibles de collisions entre les particules cosmiques très énergétiques et la matière éparse dans le vide interstellaire. Il n'apporte pas de découverte essentielle ; encore moins justifie-t-il les extrapolations (dont la NASA n'est pas entièrement responsable) des médias sur de possibles mondes d'antimatière. Cette idée, qui frappe les imaginations, a effectivement été adoptée naguère par quelques théoriciens, pour satisfaire une exigence de symétrie dans leur représentation de l'origine de l'Univers. Elle n'est pas renforcée par la tendance actuelle de la physique à admettre des asymétries fondamentales au niveau subnucléaire.

Unification

En cherchant de nouvelles particules prévues par la théorie, en trouvant parfois des particules imprévues, en introduisant de nouvelles grandeurs quantiques aux appellations poétiques (couleur, charme, beauté), la physique s'éloigne de son ambition originelle, qui était de réduire les constituants de la matière-énergie à un petit nombre d'éléments de base.