Du côté de la jeune danse française, les choses ne vont pas mal non plus. Les troupes sont actuellement si nombreuses et les salles qui les accueillent — dans des conditions souvent précaires — si proliférantes qu'il est pratiquement impossible d'en suivre toutes les manifestations. Le concours chorégraphique de Bagnolet, qui a eu lieu pour la vingt-deuxième année consécutive, a mis en évidence cette forme de création sauvage et irrépressible qui envahit la province. Trois nouveaux lauréats d'une forte personnalité : François Verret (Paris), Jean-Claude Gallota (Grenoble) et Katja Cavagnac (Ville-franche-de-Rouergue), viennent s'ajouter à la liste des quelque trente jeunes compagnies qui tentent de subsister, plutôt mal que bien. Chez tous ces chorégraphes en puissance, l'imagination règne en maître. Libérés du vocabulaire académique et des schémas traditionnels, ils s'épanouissent tous dans une liberté totale. C'est l'imagination au pouvoir.

Phénomène

L'organisation culturelle de notre société n'avait manifestement pas prévu cet engouement pour la danse, qui se confirme au niveau du public par la prolifération des cours pour amateurs. La nécessité d'en tenir compte se fait de plus en plus sentir au niveau de l'État — mais il faudrait alors envisager d'élargir ses moyens financiers d'intervention — et aux niveaux régional et municipal, où les pouvoirs publics doivent faire face à ce nouveau phénomène qu'ils ne peuvent plus ignorer.

Deux initiatives intéressantes ouvrent à cet égard de nouvelles perspectives : le fonctionnement à Angers d'un Centre national de danse contemporaine, subventionné paritairement par la ville et le ministère des Affaires culturelles et placé sous la direction de Nikolaïs, et l'ouverture à Lyon, en juin dernier, d'une Maison de la danse, lieu de création et d'accueil. Ces opérations s'ajoutant à l'installation du Théâtre du Silence à La Rochelle, à l'implantation de Gigi Caciuleanu à Rennes et de Dominique Bagouet à Montpellier, permettent de bien augurer du développement de la danse en France.

Jazz et pop

Renouveau de la musique populaire noire

Dans le monde du rock, on a annoncé les années 80 à grands sons de trompe. Tout allait être nouveau — à défaut d'être neuf. Étiquette bien pratique pour vendre un maximum de produits. En fait de nouveauté, on aura surtout assisté, une fois de plus, à la glorification d'un certain passé. Les années 70 avaient remis les 50 à la mode. Les 80 font revivre les 60. Ce mouvement nous vient d'Angleterre où un film, Quadrophenia, a ressuscité l'image des mods : jeunes gens bien propres et bien coiffés, le contraire des punks. Comme leurs prédécesseurs des années 1964-

65, ils puisent largement dans la musique noire, rhythm and blues ou reggae. Ils ont même réhabilité un ancêtre du reggae, le ska — ou blue beat.

Perfection technique

Appelé, selon certains, à remplacer le disco moribond, le ska est essentiellement une musique faite pour danser. Avec lui, la pop music retrouve enfin sa fonction ludique. Bien entendu, la plupart des groupes de ska sont passés par la France : Specials en décembre, Madness et Selecter en janvier, Dexy's Runners en mars. Dans leur sillage, une nouvelle mode est apparue, qui met l'accent sur le noir et blanc, à l'exclusion de toute couleur.

Également vulgarisateurs de la musique jamaïcaine, les trois membres de Police ont une démarche plus proche de celle des grands du blues boom des sixties. Ils adaptent le reggae à des formes lyriques plus anglaises, tout en restant parfois très fidèles à l'original. Police a été déclaré groupe de l'année par maints critiques. Il est vrai qu'aussi bien leurs disques que leurs prestations en public (Paris en mars) atteignent un très haut niveau de perfection technique. Leur bassiste et chanteur est également un excellent acteur. Il tient l'un des rôles principaux de Quadrophenia, d'après l'œuvre des Who.

Dans le même courant reggae - R'n'B' blanc, le chanteur Joe Jackson s'est affirmé l'un des grands stylistes de la décennie. Soutenus par une musique bien charpentée, ses textes parlent de la vie quotidienne avec ironie et un sens délicat de l'autodérision. Très bon comédien, il se met en scène à la manière d'un Montand, à mi-chemin entre le théâtre, le mime et la chanson. Jackson a participé au festival de Baltard, à Nogent-sur-Marne, en janvier.

Nouveau souffle

Troisième grand du renouveau des musiques populaires noires, le groupe anglais Clash est considéré généralement comme le plus prometteur. Issu de la période punk-rock, il a su transcender l'énergie de ce mouvement en un style plus acceptable, moins autodestructeur. Il est aujourd'hui en passe de prendre la place laissée vacante par les Rolling Stones pour devenir l'incarnation même du rock and roll, légende vivante sur la route. Clash était à Paris en mai.