Car, s'il est légitime que les maires, irrités des interventions et des débordements de l'État, réclament plus de pouvoir pour eux-mêmes, ils doivent savoir aussi que plus de droits implique plus de devoirs.

Un changement de style

Trois événements, l'un factuel, l'autre plus évolutif et plus significatif, le dernier très solennel, ont marqué la politique d'aménagement du territoire dans les derniers mois de 1978 et au début de 1979. Un préfet, André Chadeau, a remplacé en avril 1978 François Essig qui, depuis plus de treize ans, avait suivi d'abord les balbutiements, puis l'âge flamboyant de la Datar aux côtés de Jérôme Monod. Avec les hommes, ce sont les styles qui ont changé La Datar est devenue plus discrète, et les procédures administratives comme les contacts avec l'extérieur ont pris un tour plus classique. Finies les opérations coup de poing, les actions en mission, les initiatives à contre-courant des autres ministères.

Préoccupations

D'ailleurs, le Premier ministre a voulu que la Datar lui soit directement rattachée, pour bien montrer que l'aménagement du territoire devait être une préoccupation de tout le gouvernement et pas seulement l'affaire sectorielle de quelques fonctionnaires.

R. Barre a vite compris que la quasi-totalité des aspects de sa politique économique aurait des retombées — douloureuses ou bénéfiques — sur le terrain. Ici, le TGV Paris-Lyon ouvre de nouvelles perspectives à la région Rhône-Alpes. Là, en Bretagne, la politique d'équipement nucléaire ou l'approvisionnement en gaz naturel (Montoir sur l'estuaire de la Loire) provoquent soit des colères et des manifestations, soit des espoirs de reconversion industrielle. Mais la politique d'aménagement du territoire est de plus en plus marquée, voire déterminée, en fonction de la conjoncture industrielle.

À cause de la crise de la sidérurgie dans le Nord, en Lorraine, dans les Ardennes, il faut que la Datar se mette à la chasse d'industries de remplacement. Les difficultés de Manufrance à Saint-Étienne ou du textile dans les Vosges, la crise navale à Saint-Nazaire ou à La Ciotat conduisent les responsables de la géographie économique à jouer un rôle, peut-être pas très glorieux mais tout à fait indispensable, de pompiers. L'aménagement du territoire — notion prospective, idée de redistribution des biens et des activités — perd, du coup, beaucoup de son sens.

Les mauvaises langues disent que la Datar n'est plus qu'une annexe des ministères de l'Industrie et du Travail et de la Participation. Un élu breton, socialiste, a déclaré : « La Datar a perdu son rôle d'organisateur de l'espace. Elle cherche à créer des emplois n'importe où, pour faire n'importe quoi. Elle n'est qu'une vaste infirmerie de campagne. »

Priorités

L'action industrielle de la Datar n'est pas facile, car, si elle incite un chef d'entreprise à créer une usine dans une zone durement affectée par le chômage, il se peut que cette localisation, même aidée par de fortes subventions de l'État, ne corresponde pas, du point de vue de l'entreprise, au choix le plus judicieux. D'où des risques d'incohérence entre la politique industrielle et la politique d'aménagement.

Il y a un autre domaine dans lequel il faut agir avec doigté. Certes, la situation du nord de la Lorraine, de Denain-Valenciennes, des régions de construction navale, de l'Ouest et du Sud-Ouest justifie qu'on les déclare prioritaires et qu'on y dirige le plus possible d'investissements, d'emplois, de crédits d'États.

Mais, à une époque où la concurrence internationale se fait de plus en plus vive, ne serait-il pas dangereux d'appauvrir les régions (Rhône-Alpes, Alsace, région parisienne) qui disposent d'un potentiel industriel, technique, financier, humain, de recherche, de réputation européenne ? Laisser sur la touche les régions fortes (et les entreprises compétitives) sous le seul prétexte qu'il ne faut penser qu'aux zones sinistrées constituerait sûrement, à terme, et dans une perspective internationale, une erreur grave.

Efficacité

Parmi les décisions prises fin 1978 par le gouvernement pour créer des emplois de conversion dans les zones frappées par des crises structurelles, il faut citer l'outil du Fonds spécial d'adaptation industrielle (FSAI).