L'antisémitisme en France se manifeste au cours des derniers mois de façon particulièrement spectaculaire. Dans le cas de l'attentat contre le foyer de la rue de Médicis, il ne s'agit pas d'un accès superficiel de xénophobie. Ses auteurs (antisémites français ou palestiniens des mouvements de terrorisme) ont la volonté de tuer. Et l'attentat aux explosifs n'est pas unique. C'est ainsi qu'un cocktail Molotov est lancé dans la salle Georges-Pompidou à Vincennes lors de la projection, dans le cadre d'une semaine contre le racisme, du film Au nom du Führer. (Au même moment, Antenne 2 diffuse la quatrième et dernière partie de la série Holocauste.) Dans la synagogue de la rue St-Isaure à Paris, on découvre un bidon d'essence muni d'une mèche allumée, alors qu'un engin analogue est désamorcé devant un cinéma qui projette le Dybbouk, lors d'un festival sur les aspects de la culture juive. Quelques mois plus tôt, ce sont les locaux du Bétar, mouvement de jeunesse sioniste, qui sont gravement endommagés par un attentat à l'explosif.

Typiquement fascistes apparaissent les attentats d'une certaine Ligue des combattants français contre l'occupation juive, qui est la seconde organisation à avoir revendiqué l'explosion du foyer de la rue de Médicis, les attentats contre le Matin et le Monde « en raison, déclare cette Ligue, de la collaboration éhontée des médias et de la presse avec la tyrannie juive ». La Ligue fait sauter la statue de Georges Mandel, érigée à l'endroit même où des miliciens avaient assassiné en 1944 l'ancien ministre juif. Cette même organisation revendique encore un attentat contre un foyer juif de personnes âgées, rue de Varize, à Paris.

On assiste, comme les années précédentes, aux campagnes de graffiti antisémites, racistes et orduriers sur des tombes juives à Bagneux, Roissy et Toulouse. À Toulouse, comme à Nice, des magasins juifs sont recouverts d'inscriptions antisémites. Graffiti encore à Sarcelles, à Bourg-en-Bresse ; les synagogues d'Antibes et de Sélestat (Bas-Rhin) sont profanées, comme celles de Reims et de Toulouse. Des déprédations sont également commises contre la baraque-musée du camp de concentration de Struthof (Bas-Rhin).

La communauté est fortement impressionnée par deux incendies qui, pourtant, se révéleront accidentels : ceux de la synagogue de Drancy et de la synagogue de Fontenay-aux-Roses.

Impudeur

L'année en cours est marquée par l'impudeur avec laquelle un certain nombre d'antisémites ne cherchent plus à masquer leurs sentiments à l'égard des Juifs. Et cette attitude-là, en France, est nouvelle depuis la Libération. L'interview attribuée à Darquier de Pellepoix, en novembre 1978, bouleverse les Français, étonnés de constater la non-repentance de ceux qui étaient responsables du malheur des Juifs de France. De la même manière, le retour à Tulle d'une touriste insouciante, Mme Geisler, scandalise la population de Tulle qui reconnaît en elle celle qu'on avait surnommée, après les massacres nazis dans cette ville, la chienne de Tulle.

Sur un registre légèrement différent, Robert Faurisson, enseignant à l'université de Lyon, donne une publicité outrancière à ses théories sur l'inexistence des chambres à gaz. Il rejoint ainsi l'argumentation fallacieuse d'un certain nombre d'individus qui, dans des livres largement diffusés, nient le génocide du peuple juif. Pour nombre d'observateurs, ce phénomène a notamment pour but de déculpabiliser et de rendre ainsi licite l'antisémitisme, dont Auschwitz avait pourtant montré à quelles aberrations il pouvait conduire. Quant au professeur Pierre Maurer, ancien de la division Charlemagne, il n'éprouve aucun sentiment d'impudeur à déclarer, en plein amphithéâtre, qu'il est resté fasciste.

Nombre de nostalgiques des mouvements fascistes de France et d'autres pays d'Europe relèvent la tête dans le cadre de l'Eurodroite ou le Parti des forces nouvelles. Des contre-manifestations ont lieu lors de conférences organisées par l'Eurodroite à Marseille. Là, des représentants de l'Eurodroite provoquent une bagarre en distribuant leurs tracts à l'entrée même de la synagogue. Le maire de Marseille est au premier rang des contre-manifestants qui parcourent la ville, de la même manière que nombre de parlementaires et d'élus municipaux défilent à Lyon, avec plusieurs milliers de personnes, pour manifester contre l'Eurodroite et la résurgence du nazisme.