Très vite, les policiers ont la certitude que Caillol — qui, à 36 ans, mène une vie rangée à Montpellier — n'est pas un simple comparse. Ils arrivent à le convaincre que tuer l'otage « serait un meurtre gratuit ». Alors, le dimanche 26 mars, Alain Caillol téléphone du Quai des Orfèvres à ses complices : « C'est raté, dit-il, il faut relâcher le baron. »

Libre

Et, vers 22 heures, Édouard-Jean Empain est relâché dans une petite rue d'Ivry, à quelques centaines de mètres du métro. Il vient de passer 63 jours enchaîné sous une tente clouée au plancher d'un pavillon de banlieue. Il n'a pas vu un visage durant toute sa détention : ses geôliers l'obligeaient à mettre une cagoule avant de lui apporter à manger. Sa main gauche, amputée, est mal cicatrisée. Il a en poche 20 F que lui ont donnés les truands en le libérant, et il va en métro jusqu'au drugstore Opéra, d'où il appelle sa femme. Quelques minutes plus tard, elle vient le chercher, bientôt suivie des policiers.

Pour Édouard-Jean Empain, le cauchemar est terminé. Mais sa vie est bouleversée. Après un séjour à l'hôpital américain de Neuilly, il démissionne du poste de P-DG du groupe Empain-Schneider. Son ami et homme de confiance René Engen lui succède. Puis le baron disparaît pour de longues vacances. On apprendra fin avril que ses ravisseurs, dont certains, bien qu'identifiés, courent encore, lui avaient fait signer le jour de sa libération trois reconnaissances de dettes, en menaçant de tuer trois innocents si le baron ne verse pas le montant de sa rançon le jour où ils reprendront contact avec lui. Dans le courant du mois de juin, la police procède à de nouvelles arrestations.

Les tueurs de l'Ardèche : le suspect no 1 demeure introuvable

Tout commence par un hold-up classique : le 24 août 1977, dans une petite ville d'Ardèche, à Villefort (Lozère), le Crédit agricole va bientôt fermer. Deux hommes masqués entrent. Sous la menace de leurs armes, ils font ouvrir le coffre, s'emparent de 40 000 F de titres et de billets de banque. Après avoir enfermé le personnel de l'agence, les gangsters s'enfuient dans une DS noire conduite par un troisième larron.

Poursuite

Deux heures plus tard, prise en chasse par une estafette de la gendarmerie, après avoir accroché une 504 non loin d'Aubenas, la DS s'engage dans un chemin en cul-de-sac, fait demi-tour et percute la voiture des gendarmes. Les bandits, qui ne sont plus que deux, descendent, braquent les deux gendarmes, leur arrachent leurs pistolets mitrailleurs et lâchent une rafale. Les gendarmes s'écroulent ; l'un d'eux, D. Luczak, 21 ans, ne survivra pas à ses blessures.

Poursuivant leur route à un train d'enfer, les bandits éraflent au passage une 204. Son propriétaire, Guy Reboul-Berlioz, accourt au bruit de la tôle froissée. Tandis qu'il examine les dégâts, la DS fait demi-tour et fonce sur lui. Le malheureux sera écrasé entre les deux carrosseries et grièvement blessé.

Les gangsters, pour assurer leur fuite, s'emparent d'une 204, après avoir assommé son propriétaire qui estimera plus tard s'en être tiré à bon compte. Près du pont de Labeaume : barrage de gendarmerie, dérapage acrobatique et demi-tour. Engagés cette fois sur une route à voie unique, ils voient surgir devant eux une R 12 que suit de près une 204. Le choc est inévitable. De la R 12, deux hommes descendent : Roland Malosse, d'abord, que les bandits abattent ; puis son passager, un jeune homme, qui réussit à s'enfuir. De la seconde voiture surgit Cyprien Malosse, 46 ans, quincailler, père du jeune homme qui vient d'être tué. Il est abattu à son tour. Les tueurs montent dans la 204 de leur nouvelle victime.

Ils fuient maintenant par la seule route possible : celle de la montagne. Traversant un hameau, ils tirent sur un enfant qui joue au bord de la route, heureusement sans l'atteindre.

Le lendemain, jeudi, la 204 de C. Malosse est retrouvée abandonnée, près du Puy en Haute-Loire. La trace des bandits est perdue.

Marginaux

Bientôt, grâce aux témoignages de ceux qui ont vu les bandits, des portraits-robots sont diffusés. Les soupçons des enquêteurs se portent sur les habitants de Rochebesse, communauté agricole du hameau de Treynas, et sur son chef, P. Conty, grand gaillard brun, barbu, connu pour son humeur irascible.