Pourtant, en recevant le Premier secrétaire, le 1er décembre 1977, le pape mêle aux compliments quelques discrètes mises en garde concernant notamment « l'éducation et la formation des jeunes dans les écoles et les institutions de l'État ».

Encore la Pologne est-elle un des pays de l'Est où la situation faite aux Églises suscite le moins d'inquiétude. Ailleurs, les raisons de craindre persistent, même si quelques signes de détente apparaissent ici ou là. Ainsi, en Hongrie, le cardinal Lekai, archevêque d'Erztergom, souligne avec plaisir qu'une nouvelle ordonnance rend plus facile l'exercice de la catéchèse : les réunions d'enfants dans les églises sont désormais possibles. Mais, dans le même temps, le secrétaire d'État chargé des affaires religieuses, Imre Miklos, écrit que « le but du socialisme demeure inchangé : poursuivre l'effort de base pour, si possible, éliminer la religion ».

En Tchécoslovaquie, le gouvernement consent quelques gestes d'apaisement : il autorise Mgr Tomasek à se rendre à Rome pour y recevoir le chapeau de cardinal, et huit franciscaines de Bohême reçoivent la permission d'assister au Vatican au chapitre général de leur ordre, ce qui n'était pas arrivé depuis vingt ans.

Mais, dans une interview à la radio autrichienne, le cardinal Koenig, archevêque de Vienne, exprime le 15 juillet son scepticisme sur les négociations entre les démocraties populaires et le Vatican. « Le communisme ou le socialisme, dans ces pays, dit-il, est très attentif à l'opinion mondiale (...). D'où l'intérêt qu'ont ces États de prendre contact avec le Vatican afin que l'opinion publique se dise : « Tiens, les deux sont en train de causer ; il ne peut donc y avoir de difficultés particulières. » En réalité, les pourparlers sont interrompus par la suite. Et rien n'est modifié. »

Ces propos retiennent d'autant plus l'attention que le cardinal Koenig, qui effectue régulièrement des voyages au-delà du rideau de fer, est un représentant privilégié de la politique du Vatican dans les pays de l'Est.

Désormais, la situation de l'Église dans un autre pays provoque également quelque inquiétude. Il s'agit du Viêt-nam. Au début de septembre est ainsi publiée une lettre de l'archevêque de Hué, Mgr Nguyen Kim Dien qui constate : « Il n'y a pas encore de liberté de religion (...). Le culte est soumis à des restrictions (...). À l'école, les élèves entendent continuellement des leçons contre le catholicisme. »

Italie

Le problème des rapports catholiques-marxistes tient une place de premier rang dans les préoccupations épiscopales, du fait de la situation politique particulière de l'Italie. L'événement le plus spectaculaire en la matière est la lettre d'Enrico Berlinguer publiée le 12 octobre 1977, en réponse à une interview de l'évêque d'Ivrea (banlieue de Milan), Mgr Luigi Bettazzi. Celui-ci avait demandé au secrétaire général du parti communiste italien « un effort de respect et de compréhension pour les problèmes religieux ». Dans sa réponse, E. Berlinguer écrit notamment : « Est-il exact de dire que le PCI professe explicitement l'idéologie marxiste comme philosophie matérialiste athée ? (...). Je répondrai non. » Il souligne que le PCI n'est ni théiste, ni athée, ni anti-théiste mais « laïque et démocratique ».

Cette prise de position suscite des réactions diverses dans le monde catholique. Le nouvel archevêque de Florence, le cardinal Benelli, souligne que, dans les régions où ils sont au pouvoir, les communistes tentent d'établir « un État collectiviste, totalitaire, marxiste ». Mais L'Osservatore Romano du 17 octobre, tout en mentionnant les « précédents pas trop encourageants » enregistrés dans les pays communistes, écrit : « Nul mieux que nous ne saurait se féliciter sincèrement qu'un grand parti de masse aussi riche de forces et de ferments réussisse réellement à dépasser en théorie et en pratique l'a priori idéologique marxiste, rationaliste et athée. »

Le journal du Vatican rappelle, comme la conférence épiscopale italienne, l'incompatibilité entre marxisme et christianisme. Mais le changement de ton est perceptible.