Autre préoccupation : le terrorisme. Le 2 avril 1978, devant 15 000 fidèles réunis place Saint-Pierre pour l'Angelus dominical, Paul VI lance un « appel intense et pressant » aux ravisseurs d'Aldo Moro pour « les conjurer de libérer le prisonnier ». Il renouvelle son appel, dans une lettre pathétique, le 22 avril.

Espagne

Les changements politiques et sociaux qui bouleversent la vie espagnole contraignent l'Église à redéfinir sa place dans la nation. En 1976, le Vatican et le nouveau régime avaient décidé de conclure, dans un délai de deux ans, des négociations pour la révision du concordat de 1953, mais il est apparu rapidement que ce délai ne serait pas respecté. Des difficultés d'importance sont nées : le statut de l'enseignement catholique par exemple. Bien des hommes politiques espagnols, à commencer par les socialistes, ont souhaité que les pourparlers soient suspendus jusqu'à l'adoption de la nouvelle Constitution du pays.

Or, le 26 novembre 1977, les évêques publient un communiqué relatif au projet de Constitution. Ils craignent des interprétations laïcistes du texte « qui ne tiendraient pas compte de la place de l'Église dans le pays ». « Il serait insuffisant, écrivent-ils, de proclamer dans l'abstrait la liberté religieuse, réduite à la simple liberté de conscience ou de culte, sans assurer la liberté d'évangéliser, de réunir les fidèles et de soutenir la fraternité humaine. »

Autrement dit, les évêques s'inquiètent pour l'école catholique et les œuvres caritatives de l'Église. Leur texte provoque des remous. On parle ici ou là de pression morale. Et Felipe Gonzalez, secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol, déclare : « Nous ne cherchons pas à participer au synode des évêques, nous désirons que ceux-ci restent en dehors des débats constitutionnels. »

Amérique latine

Deux religieuses françaises travaillant en Argentine, sœur Alice et sœur Léonie, sont enlevées le 13 décembre 1977 par des inconnus. Le gouvernement argentin tente d'abord d'accréditer l'idée qu'elles ont été victimes des péronistes d'extrême gauche, les Monteneros. Ceux-ci démentent. Les autorités semblent alors admettre que les deux religieuses, qui venaient en aide aux familles de prisonniers politiques et de disparus, ont été emmenées par des policiers en civil. Mais elles ne sont pas libérées pour autant, en dépit des appels du gouvernement français et de l'épiscopat.

Persécutions

Cette triste affaire est significative du climat de tension qui subsiste entre les catholiques et l'État dans plusieurs pays d'Amérique latine. C'est ainsi qu'au Salvador, en juillet 1977, l'Union guerrière blanche, une organisation d'extrême droite ayant partie liée avec la police, lance aux jésuites un ultimatum leur enjoignant de quitter le pays dans le mois, sous peine d'« exécution immédiate et systématique ». Les quarante-sept religieux décident de rester et obtiennent la protection officielle. On leur reprochait d'aider les paysans en lutte contre les propriétaires terriens. Auparavant, leur université avait été six fois plastiquée, quinze prêtres expulsés, huit autres torturés et deux assassinés.

Au Honduras, deux prêtres français sont expulsés. Ils s'étaient solidarisés avec l'ancien évêque du lieu, Mgr D'Antonio Salza, qui avait protesté contre le massacre d'Olancho (12 personnes, dont 2 prêtres, assassinées par l'armée en juin 1975).

Au Pérou, cinq évoques dénoncent « les mesures (restrictives) qui tombent sur le peuple au bénéfice d'une minorité » et « la doctrine de la sécurité nationale qui soumet la personne au pouvoir de l'État ».

Au Chili, enfin, la diffusion d'une homélie prononcée le 18 septembre, jour de la fête nationale, par le cardinal Silva Henriquez, archevêque de Santiago, est censurée par le gouvernement. Les journaux ne peuvent en reproduire qu'un extrait anodin de cinq lignes, et les fidèles ne sont pas admis dans la cathédrale pour l'écouter. Seuls le général Pinochet et les membres de la Junte militaire entendent ainsi le cardinal plaider pour les persécutés et répéter : « Nous ne pouvons nous taire. »